Comment les Maires peuvent-ils lutter contre les déchets d’épaves ?
Dans ce nouvel article sur les déchets, on décrypte les spécificités liées aux épaves. Le cas des épaves, également appelées « véhicule hors d’usage » (VHU) par la réglementation, est en effet un cas particulier.
En tant que Maire, vous avez de nombreux moyens juridiques pour obtenir leur enlèvement.
On distinguera principalement ici :
- La procédure administrative à mener en toute autonomie, même si l’épave est située sur un terrain privé ;
- La procédure pénale, à initier.
1 – La procédure administrative
Cette procédure diffère si les véhicules se situent :
– Sur la voie ou le domaine public (article L. 541-21-3 du code de l’environnement) ;
– Sur un terrain privé (article L. 541-21-4 du code de l’environnement).
Pour les comprendre facilement, voici deux infographies ci-après :
Pour les véhicules abandonnés sur la voie ou le domaine public :
Pour les épaves sur un terrain privé, la procédure diffère afin d’être adaptée à l’atteinte portée à la propriété privée :
2 – La procédure pénale
Là encore, deux hypothèses à distinguer pour comprendre la procédure que vous devez suivre :
- L’épave se trouve sur le domaine public ou le domaine privé de la Commune ou de l’Etat ;
- L’épave se trouve sur un terrain privé.
Cas 1 : L’épave est abandonnée sur le domaine public ou le domaine privé de l’Etat ou d’une collectivité territoriale
L’article L.541-46 prévoit un délit pour les épaves abandonnées sur des lieux publics et vient renforcer les sanctions après son actualisation par la loi Industrie Verte du 23 octobre 2023 :
I – Est puni de quatre ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende le fait de :
(…) 15° Abandonner un véhicule privé des éléments indispensables à son utilisation normale et insusceptible de réparation immédiate à la suite de dégradations ou de vols sur le domaine public ou le domaine privé de l’Etat ou des collectivités territoriales ;
On rappellera que l’amende peut être multipliée par 5 pour les entreprises, soit jusqu’à 750 000 € (art. 131-38 code pénal).
Qui peut constater l’infraction et sous quelle forme ? Par PV qui peut être dressé par le Maire, les adjoints, les agents de police judiciaire, gendarmerie, inspecteurs de l’environnement, agents OFB ou DREAL[1].
⚠️Pour rappel : les agents de collectivités assermentés ne sont pas habilités à constater par PV ce délit. Ils peuvent uniquement constater les infractions contraventionnelles relatives aux déchets prévues par le code pénal, autrement dit les « petits dépôts » des particuliers (art. L. 541-44-1 c. env.). Ils peuvent cependant faire un « rapport d’information » pour fournir des éléments aux personnes habilitées à dresser un PV, qu’ils transmettent au Maire.
Les agents de police municipale ne sont pas non plus habilités à constater par PV ce délit[2]. Ils doivent rédiger un « rapport d’infraction », qui n’a qu’une valeur de renseignement et doit être transmis au Maire. Ce dernier informe sans délai le Procureur de la République en lui transmettant notamment les rapports[3].
Pour transmettre le PV, il convient de suivre la procédure suivante :
Attention, s’agissant d’une infraction au code de l’environnement, des règles spécifiques s’appliquent :
1 – Le Maire ou l’adjoint dresse le PV de constatation (la rédaction du PV peut prendre plusieurs jours afin de consigner un maximum d’éléments probants) ;
2 – Le Maire ou l’adjoint transmet le PV au Procureur dans les 5 jours qui suivent la clôture du PV. Si c’est l’adjoint, il transmet dans le même délai au Maire (art. L 172-16 c. env.) ;
3 – Sauf instruction contraire du Procureur, le Maire ou l’adjoint transmet une copie du PV au contrevenant lorsqu’il est connu, dans les 5 jours au moins et 10 jours au plus suivant la transmission du PV au Procureur (art. L 172-16 et R. 172-9 c. env.).
Cas 2 : L’épave est sur un terrain privé
L’article R. 635-8 du code pénal permet de sanctionner l’abandon d’épave sur un terrain privé, dès lors que ce n’est pas le propriétaire ou le locataire du terrain qui réalise ce dépôt, ou qu’il n’a pas donné son autorisation :
L’infraction est sanctionnée par une contravention de 5ᵉ classe :
- Pour les particuliers : amende maximum 1 500 € la première fois, et 3 000 € si récidive.
- Pour les personnes morales : amende maximum 7 500 € la première fois, et 15 000 € en cas de récidive (art. 131-41 du code pénal).
Le Maire et adjoints, les policiers municipaux, les agents de collectivités territoriales habilités et assermentés[4] peuvent constater l’infraction.
⚠️️Rappel : vous ne pouvez pas enfreindre la propriété privée pour réaliser le constat.
De plus, vous ne pouvez pas verbaliser ! Pour cette infraction, il n’y a pas d’amende forfaitaire. Seul un juge pourra fixer le montant de l’amende.
Il faut en revanche dresser un procès-verbal à adresser au Procureur « sans délai », qui se chargera de diligenter les actes d’enquête nécessaires et de décider des suites à donner.
⚠️Et attention de ne pas le transmettre à la personne mise en cause (le PV fait partie de la procédure pénale et est couvert à ce stade par le secret de l’enquête et de l’instruction).
💡 Une plainte du propriétaire du terrain semble indispensable pour permettre de qualifier l’infraction. Le Maire ou l’adjoint peut le contacter pour obtenir une déclaration qui pourra être ajoutée au PV.
📝3 – Actualité du côté de la REP :
Pour rappel, le principe pollueur-payeur impose que les frais de prévention, réduction et lutte contre la pollution s’imposent à celui qui les a causés. Conséquence ? Les éco-organismes sont censés financer la gestion de la fin de vie de certains produits (mobilier, déchets du bâtiment, emballages ménagers, etc.).
Concrètement, les éco-organismes sont des structures privées chargées d’une mission d’intérêt général qui ne doivent pas poursuivre de but lucratif[5], agréées par l’Etat, pour prendre en charge, dans le cadre de la Responsabilité élargie du producteur (REP), la fin de vie de certains produits.
La loi AGEC (loi anti-gaspillage pour une économie circulaire de 2020) est venue renforcer le rôle des éco-organismes dans la résorption des dépôts sauvages. Le code de l’environnement prévoit désormais des dispositions relatives à « la prise en charge des déchets abandonnés » (art. R.541-111 à R.541-116 du code de l’environnement).
Les modalités de prise en charge sont ensuite précisées par le cahier des charges des éco-organismes. Elles varient malheureusement selon les différentes filières REP (responsabilité élargie des producteurs), ce qui rend le dispositif complexe ou a minima peu accessible.
Une filière VUH est prévue (véhicules hors d’usage) est prévue et devrait démarrer le 1er janvier 2024. Des objectifs de collecte « indicatifs » sont prévus, mais devront être remplacés dans quelques années par des objectifs européens[6]. La filière devrait fonctionner selon des systèmes individuels (par marque ou pas groupe) pour que les constructeurs puissent récupérer et revendre des pièces détachées issues de leurs modèles. Les véhicules suivants sont concernés : voitures particulières, camionnettes, véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur.
Où en est-on ? Le cahier des charges des éco-organismes, des systèmes individuels et des organismes coordonnateurs de la filière à responsabilité élargie des producteurs de voitures particulières, de camionnettes, de véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur a été publié par arrêté le 20 novembre 2023. Néanmoins, aucun éco-organisme n’a été agréé pour l’heure, le démarrage opérationnel risque donc bien d’être reporté à 2025..
Besoin d’aide dans la gestion de vos dépôts sauvages ?
Vous êtes Maire, adjoint ou agent d’une collectivité et vous souhaitez lutter contre les dépôts de déchets abandonnés ou déposés sur le territoire de votre Commune ? Vous êtes un peu perdu(e) dans la procédure juridique à suivre ?
Retrouvez nos ressources pour vous permettre d’agir :
- L’identification des auteurs : Dépôts de déchets : comment identifier légalement les auteurs ? – (cliquez ici pour accéder à notre article) ;
- La procédure de sanction : Maires : comment sanctionner facilement les auteurs de dépôts de déchets grâce à l’article L. 2212-2-1 du CGCT ? (cliquez ici pour accéder à notre article) ;
- Le Guide dédié – CCSB – sur lutte contre les dépôts sauvages – Février 2023 et vous pouvez consulter la page du site internet skovavocats.fr pour découvrir tous les guides pratiques du cabinet
Et n’hésitez pas à nous contacter pour un accompagnement ou une formation !
[1] Article L. 172-1 du code de l’environnement et article L.172-1 du code de l’environnement.
[2] Ils peuvent uniquement constater les infractions contraventionnelles prévues par le code de procédure pénale, en l’occurrence les « petits dépôts » des particuliers (art. L. 541-44 5° c. env.)
[3] Article D 14-1 du code de procédure pénale.
[4] Article L. 541-44 et L. 541-44-1 code de l’environnement.
[5] Article L. 541-10 code de l’environnement.
[6] La directive européenne 2000/53/CE du 18 septembre 2000 relative aux VUH étant en cours de révision (et voir aussi la page de la Commission européenne – cliquez ici). Elle établit les mesures visant à prévenir et à limiter les déchets produits par les véhicules hors d’usage (VHU) et leurs composants, en assurant leur réutilisation, recyclage et valorisation. Elle vise également à améliorer l’efficacité, au regard de la protection de l’environnement, de tous les opérateurs économiques intervenant dans le cycle de vie des véhicules. Après une consultation publique clôturée en octobre 2021, la proposition de texte a été adoptée par la Commission européenne le 13 juillet 2023. Elle est actuellement en cours de lecture et discussion devant le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne.