Dépôts de déchets : comment identifier légalement les auteurs ?

Dépôts de déchets : comment identifier légalement les auteurs ?

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Vous êtes Maire, adjoint ou agent d’une collectivité et vous souhaitez lutter contre les dépôts de déchets abandonnés ou déposés sur le territoire de votre Commune ? Vous êtes un peu perdu(e) dans la procédure juridique à suivre ?

💡On vous explique comment procéder, dans une série d’articles, en commençant par la première étape : identifier les auteurs.

Nous verrons d’abord quelles preuves peuvent être collectées et leur valeur légale (I), et qui peut réaliser cette collecte d’indices (II).

⚠️ Dans cet article, à noter que nous visons uniquement les petits dépôts illégaux de déchets (ex : déchets ménagers laissés à côté de bornes de tri, encombrants laissés sur la voie publique, etc.). En ce qui concerne les dépôts importants (ex : décharges sauvages, dépôts de déchets dangereux), ce n’est pas toujours de votre compétence[1], et en toute hypothèse nous vous conseillons de solliciter un inspecteur de l’environnement ou de déposer une plainte auprès du procureur de la République.

I – Quelles preuves rassembler ?

On distinguera ici les méthodes qui permettent d’obtenir des indices, de celles qui permettent d’identifier l’auteur du dépôt (c’est-à-dire qui ont une valeur de preuve d’identification).

Les méthodes qui permettent d’obtenir des indices

Il s’agit ici de :

  • 🚮L’identification via les déchets : mieux vaut le savoir, la présence de documents nominatifs parmi des déchets déposés sur la voie publique ne permet pas d’établir avec certitude que la personne dont le nom figure sur ces documents est responsable de ce dépôt[2]. Il n’y a donc pas de système de responsabilité automatique et ces éléments constituent seulement des indices pour orienter les recherches.
  • 📸Le piège-photo : utiliser un piège-photo pour attraper des images des contrevenants est une solution qui se généralise, puisqu’elle est peu onéreuse (comptez entre 50 et 200 € pour un appareil), mais aussi peu réglementée. Par conséquent :

🛑pas d’obligation de signaler la présence du dispositif ;

🛑pas d’autorisation préfectorale, etc.

Certaines collectivités l’inscrivent néanmoins dans le règlement de collecte, dans l’article relatif au contrôle et aux sanctions.

En revanche, ces photographies constituent uniquement des indices solides et non des preuves, l’identité doit ensuite être confirmée par l’auteur ou l’enquête.

⚠️Attention dans le placement du piège-photo toutefois, à ne pas être à l’origine d’une atteinte à la vie privée d’une propriété privée ou d’une personne sur lieu privé[3].

Ce que vous pouvez faire une fois ces indices réunis :

L’identité de l’auteur du dépôt doit être confirmée en principe.

Pour ce faire :

1° Le Maire peut demander à la personne soupçonnée de produire ses observations (en envoyant notamment un courrier LRAR à cette fin) ;

2° La personne soupçonnée peut être convoquée par le Maire en mairie ou par les gendarmes pour être entendue sur les preuves disponibles.

Les méthodes pour identifier l’auteur du dépôt

Il s’agit ici de :

  • 📝Le constat de visu : si la personne est prise sur le fait, notamment dans le cadre d’une patrouille, il est possible de dresser un procès-verbal avec l’identité du contrevenant. Ce procès-verbal fait foi jusqu’à preuve du contraire.
  • 🎥La vidéo-protection : elle peut être utilisée pour assurer la prévention et la constatation des dépôts de déchets (art. L. 251-2 du code de la sécurité intérieure).

Mais attention, contrairement au piège-photo, il s’agit d’un dispositif très encadré, tant au stade de l’installation que dans le cadre de l’exploitation [4].

II – Qui peut collecter les preuves ?

Pour lutter efficacement contre les dépôts illégaux, chacun doit savoir jusqu’où il peut aller dans ses investigations. La régularité de la procédure en dépend !

👩‍💼Le Maire et les adjoints : en tant qu’officier de police judiciaire[5], ils ont des pouvoirs d’enquête étendus : pouvoir de réaliser des perquisitions, de placer en garde à vue, d’entendre des témoins, de constater des infractions par procès-verbal, de procéder à des saisies et des contrôles d’identité notamment (mais ils ne peuvent pas classer sans suite des infractions constatées). Ils sont donc les intervenants de prédilection pour lutter contre les dépôts illégaux et sauvages.

⚠️Néanmoins il y a des limites. Il est notamment essentiel de ne prendre aucun risque :

  • De violation de la vie privée et de la propriété de leurs administrés (intervention sur des terrains privés sans autorisation du propriétaire, etc.) ;
  • De mise en danger de votre personne, de leurs agents (fouille de contenants et de poubelles où il existe un risque que votre agent porte plainte pour mise en danger de la vie d’autrui, confrontation directe avec des contrevenants, etc.).

👮‍♂️Les policiers municipaux sont des agents de police judiciaire adjoints[6] et disposent de pouvoirs bien plus limités que ceux du Maire ou des adjoints. Ils n’ont pas de pouvoir d’investigation. Ils peuvent constater « les contraventions mentionnées au livre VI du code pénal dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat (dégradations légères, dépôts de déchets…), dès lors qu’elles ne nécessitent pas de leur part d’actes d’enquête » (art. R.511-1 du code de la sécurité intérieure).

Exemples : ils peuvent recueillir des renseignements sur les contrevenants (étiquette sur des cartons par exemple), mais ils ne peuvent pas accomplir des actes d’enquête (interrogation du voisinage, visite domiciliaire, etc.).

⚠️Attention – ici encore – fouiller / ouvrir les sacs d’ordures ménagères pour rechercher des indices est déconseillé pour les agents de police municipale.

La Cour de cassation a eu l’occasion de le rappeler récemment : la fouille de sacs poubelle ne constitue pas une atteinte à la vie privée, est légale et n’entre pas dans le champ des actes soumis à l’autorisation préalable d’un juge ou le contrôle en amont du Procureur de la République (Cass. crim., 6 avril 2022, n°21-84.092).
Néanmoins la question de savoir s’il s’agit d’un « acte d’enquête » reste assez floue.
A ce jour nous ne disposons que d’une réponse ministérielle (qui n’a pas de valeur réglementaire : Question N° : 20276 Réponse publiée au JO le 25/01/1999) afin de confirmer la possibilité pour les agents de police judiciaire adjoints de mener ces opérations de fouille. Aucune jurisprudence claire n’étant intervenue, il est déconseillé de procéder à de tels actes.

🏅Les agents communaux habilités et assermentés (personnels employés et non élus)[7] : ils n’ont aucun pouvoir d’enquête mais ils peuvent constater les infractions relatives aux déchets. S’ils font un constat de visu, ils peuvent uniquement recueillir l’identité pour les infractions pénales qu’il constate par rapport ou PV (demander au contrevenant de décliner son identité mais sans pouvoir exiger la présentation d’un document justificatif).

***

Dans le prochaine épisode (étape 2/3 – lancer la procédure) :

A venir dans le prochain article de blog, la question de la procédure :  une fois l’auteur identifié, quelles sont les procédures les plus simples pour obtenir la remise en état ou appliquer des sanctions ?

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[1] Le Maire est compétent en matière de dépôts de déchets au titre de ses pouvoirs de police générale qui inclus la salubrité publique (article L.2212-1 code général des collectivités territoriales) et au titre de sa compétence spéciale déchets prévue par l’article L.541-3 du code de l’environnement. C’est en revanche le Préfet qui est compétent pour les  installations classées non déclarées ou autorisées type décharge sauvage.

[2] Selon une jurisprudence constante : Défenseure des droits ; Décision n° 2121-044 ; CAA Paris, 21 décembre 2006, n° 03PA03566 ; C. Cass. Crim., 13 février 2007, n° 06-85.976.

[3] Article 226-1 du code pénal.

[4] L’installation d’un système de vidéoprotection doit faire l’objet d’une autorisation délivrée par le Préfet qui désignera les agents habilités à l’exploiter et à visionner les enregistrements, en vue d’identifier les personnes et les véhicules impliqués dans les abandons ou dépôts illégaux de déchets ;

  • Ce dispositif est complété par l’octroi à des agents d’un droit d’accès au Service des immatriculations et d’identification des propriétaires de véhicules ce qui permettra d’identifier directement l’auteur de l’abandon de déchets ou celui qui pourra être tenu responsable du dépôt.

⚠️Deux autres points à retenir :

  • Les caméras doivent être disposées de telle sorte qu’elles ne visualisent pas les images de l’intérieur des immeubles et des entrées (art. L251-3 code de la sécurité intérieure) ;
  • Le public doit être informé de manière claire et permanente du système de vidéoprotection et de l’autorité ou de la personne responsable (même article)

[5] art. 16 du code de procédure pénale et art. L.2122-31 du CGCT

[6] art. 21 du code de procédure pénale

[7] art. L541-44-1 du code de l’environnement.

La procédure d’habilitation et d’assermentation est prévue par les articles R. 541-85-1 et suivants du code de l’environnement :

  • Pré-requis : l’agent doit avoir suivi une formation en droit pénal et disposer des compétences techniques et juridiques nécessaires ;
    • Habilitation par le Maire : par arrêté pris par le Maire fixant l’objet de l’habilitation ;
    • L’agent prête serment devant le juge judiciaire :
    • L’agent se voit remettre une carte d’habilitation.

Une réponse

  1. […] des auteurs : Dépôts de déchets : comment identifier légalement les auteurs ? – (cliquez ici pour accéder à notre […]

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