Réemploi des matériaux : comment le nouveau règlement européen sur l’écoconception pourrait changer la donne ?

Réemploi des matériaux : comment le nouveau règlement européen sur l’écoconception pourrait changer la donne ?

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Les textes européens en cours d’élaboration ou d’adoption pour adapter le cadre juridique à l’économie circulaire sont si nombreux qu’il est difficile de tous les suivre (RTD, RPC, Directive Déchets, taxonomie, etc.[1]).

Passé jusqu’à aujourd’hui quelque-peu sous les radars, nous vous proposons d’évoquer un projet de texte qui pourrait bel et bien changer la donne dans les prochaines années pour faciliter le réemploi des produits, et notamment des matériaux (de construction mais aussi d’aménagement ou de décoration) : le projet de nouveau règlement européen sur l’écoconception pour des produits durables.

Proposé par la Commission européenne le 30 mars 2022, il prévoit trois principales mesures :

  • L’établissement d’un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception pour tous les produits (sauf exception) ;
  • La création d’un passeport numérique de produit ;
  • Et l’interdiction de la destruction de produits de consommation invendus. 

Focus sur ces deux premières mesures et leur impact sur le développement du réemploi des matériaux.

💡Pour en savoir plus sur l’impact pour les entreprises du dispositif de lutte contre la destruction des invendus, vous pouvez lire notre article sur le sujet : CLIQUEZ ICI.

1 – La fixation d’exigences en matière d’écoconception pour tous les produits – un levier puissant pour faciliter le réemploi

L’article 5 du projet de règlement prévoit que la Commission européenne sera chargée d’établir en fonction des groupes de produits concernés et en tenant compte de toutes les étapes de leur cycle de vie, des exigences en matière d’écoconception des produits visant à améliorer notamment les aspects suivants :

(a) La durabilité ;
(b) La fiabilité ;
(c) La possibilité de réemploi ;
(d) La possibilité d’amélioration ;
(e) La réparabilité ;
(f) La possibilité d’entretien et de remise à neuf ;
(g) La présence de substances préoccupantes

Tous ces paramètres permettront de concevoir en vue du réemploi, et non plus pour un usage unique.

L’exposé des motifs prévoit bel et bien que ces dispositions seront applicables aux produits de construction, mais rappelle que compte tenu de la nécessité de gérer les liens étroits entre leurs performances environnementales et structurelles, y compris en matière de santé et de sécurité, des exigences en matière d’écoconception seront établies dans le cadre du règlement (UE) nº 305/2011 révisé (ci-après RPC).

Les deux législations sont en effet coordonnées, et c’est le projet de révision du RPC qui fixe des exigences en matière de durabilité pour les produits de construction dans son Annexe I[2].

S’agissant des matériaux d’aménagement et de décoration utilisés par exemple pour la scénographie et non soumis au RPC, ils seront également concernés sous réserve qu’un acte délégué viennent fixer les exigences applicables à ce type de produits.

A long terme, ces exigences permettront de lever de nombreux freins en matière de réemploi :

  • Les matériaux devront être mieux réemployables (notamment démontables) ;
  • Les matériaux ne devraient plus contenir de substances susceptibles de compromettre à l’avenir leur réemployabilité…

L’enjeu restera de pouvoir accéder à ces informations au stade du réemploi. C’est là que le dispositif prévoit un arsenal de mesures pour améliorer l’information sur le respect de ces exigences tout au long de la chaîne d’approvisionnement (article 7).

Parmi ces mesures, le passeport numérique de produit pourrait faciliter la caractérisation des matériaux et l’étude de la faisabilité du réemploi.  

2 – La création du passeport numérique de produit – un outil décisif pour résoudre les problématiques de traçabilité et de requalification des matériaux

L’article 8 du projet de règlement prévoit que la Commission, lorsqu’elle fixera par acte délégué les exigences pour un ou plusieurs groupes de produits, pourra prévoir que ces derniers ne peuvent être mis sur le marché que si un passeport de produit est disponible.

💡Pour mieux comprendre le fonctionnement du passeport produit, vous pouvez lire notre article de décryptage ici : CLIQUEZ ICI.

Dans ce cadre la Commission fixera les exigences relatives au passeport de produit, parmi lesquelles :

  • Les informations à faire figurer dans le passeport de produit ;

Parmi lesquelles on retrouve[3] :

  • La documentation et les informations relatives à la conformité[4], telles que la déclaration de conformité, la documentation technique ou les certificats de conformité – qui permettront notamment de vérifier que le produit bénéficiait bien d’un marquage CE lors de sa mise sur le marché et était conforme aux exigences de performances, d’éco-conception et de durabilité prévu par la règlementation européenne ;
  • Les types de supports de données à utiliser ;
  • La forme sous laquelle le support de données doit se présenter et son emplacement ;
  • La question de savoir si le passeport de produit doit correspondre au modèle, au lot ou à l’article ;
  • La manière dont le passeport de produit sera mis à la disposition des clients avant qu’ils ne soient liés par un contrat de vente, y compris en cas de vente à distance ;
  • Les acteurs qui auront accès aux informations figurant dans le passeport de produit et les informations auxquelles ils auront accès, y compris les clients, les utilisateurs finals, les fabricants, les importateurs et les distributeurs, les revendeurs, les réparateurs, les remanufactureurs, les recycleurs, les autorités nationales compétentes, les organisations d’intérêt public et la Commission, ou toute organisation agissant en leur nom ;
  • Les acteurs qui peuvent intégrer les informations dans le passeport de produit ou mettre à jour les informations y figurant – ce qui englobe la création d’un nouveau passeport de produit en cas de nécessité, et les informations qu’ils peuvent intégrer ou mettre à jour, y compris les fabricants, les réparateurs, les professionnels de l’entretien, les remanufactureurs, les recycleurs, les autorités nationales compétentes et la Commission, ou toute organisation agissant en leur nom ;
  • La période pendant laquelle le passeport de produit doit rester disponible.

Le passeport produit permettrait de lever le frein critique et systématique au réemploi des matériaux : la difficulté pour déterminer l’aptitude à l’usage.

Les questions pour réemployer un matériau sont principalement :

  • Quelles sont ses performances initiales ?
  • Quelles sont ses performances dans le cadre du réemploi (après un certain temps et un premier usage) ?
  • Quelles sont les conditions de sa réemployabilité (Quels contrôles ? Quel protocole de démontage ? Quelles opérations de remanufacturage) ?

Aujourd’hui ces questions sont généralement sans réponse, la documentation et les informations relatives au produit étant difficiles à collecter. La phase de caractérisation des matériaux puis de requalification technique est donc fastidieuse et surtout coûteuse. Les assureurs et les vérificateurs qui contrôlent les performances des produits exigent souvent des tests supplémentaires, qui sont définis au cas par cas.

Avec le passeport produit, les informations relatives aux performances et au réemploi des produits pourraient être disponibles en ligne pour tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement au-delà du premier usage.

Le passeport pourrait en outre être actualisé par les acteurs réalisant la préparation au réemploi, le reconditionnement ou le remanufacturage du produit.

Ce nouvel outil pourrait donc :

  • Faciliter le travail des diagnostiqueurs (ressources ou PEMD) ;
  • Simplifier la requalification technique des matériaux ;
  • Booster le reconditionnement et le remanufacturage des produits.

3 – Et c’est pour quand ?

Pas pour tout de suite !
Impossible aujourd’hui de faire des pronostics sur la date d’adoption, mais au mieux il est possible d’espérer une entrée en vigueur en 2024.
On vous résume en une image les étapes clefs pour l’adoption de ce règlement et là où on en est aujourd’hui 👇

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[1] RTD : Proposition de RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL relatif aux transferts de déchets et modifiant les règlements (UE) nº 1257/2013 et (UE) 2020/1056.
RPC : Proposition de RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction, modifiant le règlement (UE) 2019/1020 et abrogeant le règlement (UE) 305/2011.
Directive cadre-déchets : période de contribution ouverte au sein de la Commission européenne jusqu’au 20 septembre 2023.
Taxonomie : RÈGLEMENT (UE) 2020/852 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088.

[2] Notamment en lien avec le pacte vert pour l’Europe : LIEN
RPC : Proposition de RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction, modifiant le règlement (UE) 2019/1020 et abrogeant le règlement (UE) 305/2011

[3] Annexe III du projet de règlement.

[4] Requises en vertu du règlement relatif à l’écoconception ou d’autres dispositions comme le règlement relatif aux produits de construction ou la Directive européenne 2009/48/CE relative à la sécurité des jouets.

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