Le droit des emballages bouleversé par la loi AGEC, la loi Climat…Où en est-on ?

Le droit des emballages bouleversé par la loi AGEC, la loi Climat…Où en est-on ?

emballages plastique usage unique

Maître Elisabeth GELOT était l’invitée d’Emballages Digest pour faire le point sur la réglementation pour la filière dans un podcast.

Vous n’avez pas le temps d’écouter ? Toutes les réponses à vos questions retranscrites ci-dessous.

1 – L’industrie de l’emballage est concernée par le cumul de plusieurs cadres réglementaires : directive SUP, loi AGEC, loi Climat et Résilience. Pouvez-vous rappeler rapidement à nos auditeurs la vocation de chaque législation ?

Elisabeth GELOT (EG) : Alors effectivement il y en a trois sont intervenus à un an et demi / deux ans d’écart. Donc il faut un peu suivre…

La directive SUP[1] d’abord, l’objectif est de prévenir et réduire l’incidence de certains produits plastiques sur le milieu marin (pour les emballages cela concerne essentiellement les récipients pour aliments et les récipients pour boissons en polystyrène).

La loi AGEC ensuite, qui est intervenue en 2020 en France : l’objectif était d’accélérer la transition vers l’économie circulaire, avant un changement des modèles de production et de consommation (grosso modo on limite les déchets et on préserve les ressources naturelles).

Et puis juste après cette loi AGEC on a la loi Climat, qui est intervenue au mois d’août 2021 et qui fait suite aux propositions de la convention citoyenne pour le climat en adoptant une série de mesures qui ont vocation à permettre de lutter contre le changement climatique.

2 – Quels sont les derniers décrets d’application de la loi AGEC ? En attend-on d’autres à venir ou des précisions sur ceux déjà parus ?

EG : Pour les emballages, le dernier décret en date qui a fait beaucoup de bruits et qui était majeur c’était le décret appelé 3R[2], qui était un décret relatif aux objectifs de réduction, de réemploi et de recyclage des emballages en plastique à usage unique. Ce sont des objectifs pour la période 2021-2025. Ce qu’il faut noter dès maintenant c’est ce que c’était un décret qui a affolé un petit peu tout le monde car les objectifs sont très ambitieux et parfois un peu décorrélés de la réalité des acteurs de la filière mais il n’y a pas d’interdiction et ce sont des objectifs qui sont ne sont pas contraignants.
On a aussi le décret fixant une stratégie nationale pour la réduction, la réutilisation et le réemploi et recyclage d’emballages en plastique à usage unique qui est attendu fin 2021.

3 – Plus particulièrement, la filière emballage déplore l’absence d’une définition précise d’un emballage à usage unique. Y a-t-il eu des avancées de ce côté-là ?

EG : Oui… et non en même temps ! Le dernier évènement qu’il y a eu en date en mai dernier, c’était la Commission européenne qui a finalement publié des orientations[3] pour préciser ce qu’est un produit en plastique à usage unique. On peut espérer une évolution prochainement quand la stratégie nationale sera fixée. L’autre échéance au titre de laquelle on peut espérer avoir une définition de l’emballage plastique à usage unique est peut-être le réexamen de la directive « emballages » qui est prévu très prochainement au niveau de l’UE. L’espoir est permis !

4 – Concernant la loi Climat et Résilience publié le 24 août 2021, pouvez-vous revenir sur les articles qui concernent les emballages et nous les décrypter ?

EG : D’abord sur l’étiquetage environnemental[4] : c’était déjà prévu par la loi AGEC (il y avait une expérimentation qui avait déjà été votée). Le but est de créer une étiquette environnementale pour informer les consommateurs sur l’impact notamment sur le climat des produits et des services.

Ensuite l’article 22 sur les échantillons : c’est une nouveauté de la loi Climat. Au plus tard le 1er juillet 2022, il sera interdit de fournir au consommateur (sans qu’il l’ait demandé) un échantillon de produit dans le cadre d’une démarche commerciale.

L’article 23 est plutôt important pour les emballages et porte sur le vrac et l’interdiction des polystyrènes : grandes et moyennes surfaces de plus de 400 m² devront d’ici 2030 consacrer au vrac au moins 20% de leur surface de vente.

Pour les plus petites surfaces, il y a une expérimentation en plus qui va être menée pendant 3 ans à compter d’une date qui sera fixée par arrêté. Tout le monde va se mettre au vrac dans les prochaines années !

L’article 23 prévoit aussi qu’à partir du 1er janvier 2025, les emballages, constitués pour tout ou partie de polystyrène qui seront non recyclables et dans l’incapacité d’intégrer une filière de recyclage, seront interdits.

L’article 24 sur les contenants réutilisables pour les services de restauration collective à compter du 1er janvier 2025 : « les services de restauration collective proposant des services de vente à emporter proposent au consommateur d’être servi dans un contenant réutilisable ou composé de matières recyclables ».

5 – Juridiquement, que se passera-t-il si certains industriels ne sont pas conformes aux échéances demandées, par exemple sur le pourcentage de recyclé à intégrer ou le réemploi ? y a-t-il déjà des sanctions prévues ?

EG : Et bien j’ai envie de vous dire qu’il ne se passera pas grand-chose voire dans la plupart des cas rien du tout ! Comme on l’évoquait tout à l’heure, les objectifs qui sont fixés par la loi AGEC sont ce qu’on appelle juridiquement des mesures « programmatiques ». Cela veut dire qu’elles n’engagent personne ou au mieux elles engagent l’Etat (sachant que l’Etat ne va pas s’autoflageller donc si ce n’est pas un objectif européen, il n’y a aura personne pour le sanctionner au-dessus).

Et puis les dispositions du décret 3R évoquées toute à l’heure ne sont pas opposables aux industriels en raison du droit de l’UE – par exemple on a vu que la filière laitière s’est beaucoup mobilisée car ces objectifs sont techniquement impossibles à atteindre pour elle (par exemple, un objectif prévoit d’atteindre la fin de la mise sur le marché d’emballages en plastique à usage unique d’ici 2040 ou de réduire de 20% les emballages en plastique à usage unique d’ici 2025), mais techniquement pour l’instant on ne peut pas atteindre ces objectifs pour l’emballage du lait. Là par exemple il n’y a pas péril en la demeure car ce sont des mesures programmatiques et des objectifs qui ne s’imposent pas aux industries du lait… il n’y aura donc pas de sanctions.

Ce qu’il faut avoir en tête c’est que pour l’incorporation de matières recyclées par exemple, actuellement il y a une forme de sanction indirecte via les éco-modulations puisque le cahier des charges des éco-organismes prévoit des primes en fonction de la quantité de matières recyclées incorporée.

Ce qu’il faut retenir c’est qu’aujourd’hui le risque (type amendes, etc.) est moins juridique que d’image (car les consommateurs sont à l’affut de ces différents objectifs, et les associations derrière les réseaux sociaux vont se substituer aux inspecteurs publics).

6 – Y a-t-il avec ces trois cadres réglementaires (directive SUP, loi AGEC et loi Climat) des non-sens ou des articles qui se « télescopent » dans leur application ?

EG : Je n’ai pas d’exemple extrêmement précis à vous donner mais l’une des difficultés est qu’il y a des logiques différentes. On a une approche de l’Union européenne qui va viser certains produits en plastique à usage unique avec la directive et puis on a une approche nationale avec le décret 3R qui va viser tous les emballages en plastique à usage unique.

Et puis de manière plus large, je pense que l’on a perdu en visibilité avec cette adoption trop rapprochée de la loi AGEC et de la loi Climat avec des mesures qui étaient déjà en cours et finalement qui ont été supprimées. On recommence à zéro. C’est assez difficile de savoir lire entre tout ça !

7 – Quels sont aujourd’hui les points à anticiper pour les acteurs de la filière ? Pour quels sujets vous contacte t’on le plus fréquemment et posent « problème » ?

EG : Le point à anticiper c’est un réel renforcement des sanctions et une restriction de mise sur le marché beaucoup plus importante.

Au niveau européen et national on a vraiment un recul de la liberté du commerce et de l’industrie face à des objectifs constitutionnels de protection de l’environnement ou face aux accords de Paris sur le climat.

L’un des problèmes pour lesquels je suis souvent consultée, au-delà plus spécifiquement de la filière emballages, puisqu’il concerne toutes les filières en matière d’économie circulaire, c’est la double contrainte : on a des exigences croissantes en matière d’économie circulaire (une règlementation de plus en plus contraignante et qui va de plus en plus vite, qui exige de plus en plus de transformation et de plus en plus de circularité) et puis en parallèle, des exigences en termes de normes, de protection de la santé, de garanties des produits, qui ne sont pas révisées. Le problème des acteurs est souvent d’arriver à répondre à ces deux corps de normes en même temps ce qui est très compliqué. On me demande donc souvent de trouver des solutions pour être en compliance à 100 % alors qu’il y a des logiques contradictoires.

8 – Pour conclure, pouvez-vous rappeler à nos auditeurs le calendrier des prochaines échéances réglementaires à venir ?

EG : Dans le calendrier ce qu’il faut bien retenir, dans la feuille de route économie circulaire, la Commission européenne a prévu de réviser la directive « emballages », avec un réexamen. On va se retrouver ici avec de véritables restrictions et sanctions. Cela va aller très vite et plus loin. C’est donc à surveiller courant 2021.

Il y a aussi après les décrets d’application de la loi Climat : on n’a pas encore le calendrier mais il sera publié très prochainement. Il faudra donc bien suivre notamment pour le vrac ou sur les échantillons.

Et puis il restera quelques décrets de la loi AGEC, notamment la stratégie nationale sur le réemploi, la réutilisation et le recyclage des emballages à suivre.


[1] DIRECTIVE (UE) 2019/904 du 5 juin 2019 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement (dite « directive emballages »)

[2] Décret relatif aux objectifs de réduction, de réemploi et de réutilisation, et de recyclage des emballages en plastique à usage unique pour la période 2021-2025

[3] https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/qanda_21_2709

[4] Article 2 Loi Climat

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