REP PMCB et marchés de travaux : quelles solutions pour gérer l’augmentation majeure des écocontributions en 2024 (clause de réexamen, clause de révision, réemploi…)
En 2023 déjà, nous avions décrypté l’impact (prévisible) de la REP PMCB sur les marchés de travaux en cours et à venir.
- Replay de l’évènement Ekopolis sur l’impact de la REP PMCB pour les MOA :
- Infographie sur l’entrée en vigueur de la REP PMCB dans les marchés publics de travaux :
La situation constatée en 2024 appelle de nouvelles explications et conseils.
1 – La situation en 2024
En théorie, la REP PMCB devait avoir un impact économique neutre à l’échelle d’un chantier et donc d’un marché :
- Le prix des matériaux augmente puisque le montant de l’écocontribution s’y ajoute ;
- Mais le prix de la gestion des déchets de chantier est censé baisser proportionnellement puisque les coûts de traitement (voire ceux de transport) sont pris en charge au moins en partie par les éco-organismes.
En pratique, en 2024 les entreprises de travaux constatent la situation suivante :
- L’écocontribution est déjà palpable après l’entrée en vigueur de la REP PMCB en mai 2023 (en moyenne 1% du prix des matériaux[1]), mais surtout l’angoisse est de mise puisque l’écocontribution va subir une augmentation très rapide et importante : le nouveau barème VALOBAT applicable à partir de mai 2024 une augmentation du montant des écocontributions de 213% en moyenne par rapport à 2023[2] !
- Et sur le poste « Gestion des déchets de chantier », les économies ne sont pas au rendez-vous. La filière de reprise des déchets n’est pas opérationnelle ou pas suffisamment : peu de points de reprise sont disponibles (voir sur ce point la cartographie de l’OCA Bâtiment), la reprise sur chantier à partir de 50 m3 de déchets avec la prise en charge d’une partie des coûts de transport a été reportée à 2025 (au mieux)[3], le traitement des déchets inertes n’est toujours pas sans frais[4]….
En résumé, l’augmentation de l’écocontribution grève le prix des matériaux, sans qu’une économie sur le poste « Gestion des déchets de chantier » ne vienne compenser ce surcoût.
2 – Les risques et les difficultés pour les réduire
Le risque est le suivant :
- L’évolution du barème des écocontributions remet en cause la soutenabilité des prix initialement fixés dans le marché par l’entreprise de travaux : les surcoûts induits pouvant conduire à la disparition du taux de marge voire à de la vente à perte.
La réduction de ce risque est délicate du point de vue contractuel :
- D’abord parce que le montant exact d’écocontribution payée dans le prix des matériaux n’est pas une donnée disponible ou de manière aléatoire.
En effet, le gouvernement a rejeté l’instauration d’une écocontribution visible ou « éco-participation » à l’instar de ce qui existe pour le mobilier ou les éléments électroniques. A ce titre, l’écocontribution n’a pas à être mentionnée dans les factures tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Seuls les fabricants et importateurs peuvent se voir imposer la mention de l’écocontribution par leur éco-organisme, mais tous les éco-organismes ne prévoient pas cette contrainte, et en toute hypothèse rien n’oblige ensuite les distributeurs à extraire par la suite cette donnée et à l’afficher (art. R. 543-290-3 c. env. confirmé récemment par l’Avis de la CEPC n° 24-2 du 26 janvier 2024 relatif à la facturation de l’écocontribution au sein de la filière des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment). Il est donc la plupart du temps impossible pour l’entreprise de travaux de justifier avec précision du montant global d’écocontribution versée.
- Ensuite parce que les index BT (BT01, BT02, etc.) ne permettent pas de rendre compte de l’impact économique de la REP sur un chantier (à l’échelle du marché) :
Pour rappel, ces index sont des indices de coûts des différentes activités du secteur de la construction, appréhendés à partir de six postes dans une démarche de comptabilité analytique : « matériel », « coût du travail », « énergie », « matériaux », « frais divers », et « transport ». Chaque poste est lui-même appréhendé à partir d’indices élémentaires, pondérés. Ils font intervenir différents indices de prix, notamment les indices de prix de production et d’importation dans l’industrie (IPPI) et les indices de prix à la consommation (IPC), lesquels sont fondés sur une approche statistique.
A ce jour, ils ne permettent pas de compenser le déséquilibre financier créé par la REP PMCB pour les raisons suivantes :
- Les indices relatifs aux matériaux ne couvrent pas toutes les familles de matériaux, et sont fondés sur des données macro-économiques qui à ce jour ne reflètent pas précisément l’impact de l’écocontribution, laquelle varie, rappelons-le, en fonction des barèmes des éco-organismes, des caractéristiques du matériaux, de ses performances environnementales, des marges réalisées par les distributeurs sur cette nouvelle composante du prix, etc. ;
- Chaque index BT est composé de différents postes, L’indice de chaque poste est obtenu par agrégation des indices élémentaires qui font chacun l’objet d’une pondération. Or à ce jour la pondération affectée au poste « Matériaux » ne permet pas de rendre compte de l’impact de l’augmentation de l’écocontribution sur la plupart des marchés de travaux ;
- Enfin les index BT ne comprennent à ce jour pas de poste « déchets » comme c’est le cas pour les index TP (cf. Index bâtiment, travaux publics et divers de la construction, La méthode en bref, 3 mai 2022), l’impact de l’ouverture d’un point de reprise à proximité du chantier n’est ainsi pas reflété par l’index.
3 – Les solutions à mobiliser
Les solutions envisageables pour anticiper les risques liés à l’augmentation frénétique de l’écocontribution :
✅Privilégier les matériaux de réemploi (au moins ils ne sont pas grevés d’écocontribution ce qui les protège mieux des fluctuations[5] !) ;
✅Sélectionner un fournisseur qui délivre une attestation avec le montant d’écocontribution payée et prévoir une clause de réexamen dans vos marchés de travaux pour actualiser le montant d’écocontribution annuellement au regard de l’augmentation subie ;
✅Intégrer une formule de révision du prix sur mesure indexée sur l’évolution réelle ou prévisible de l’écocontribution jusqu’en 2028 au regard du déploiement progressif de la REP PMCB. Le plus simple dans ce cadre étant de s’appuyer sur le barème VALOBAT, seul éco-organismes agréé pour toutes les catégories de PMCB et disposant à ce titre d’un barème complet.
On rappellera que du point de vue de l’équilibre contractuelle, ces clauses liées à l’écocontribution doivent être cohérentes avec les clauses relatives aux frais de gestion des déchets en lien avec la reprise sans frais
Exemple : si un point de reprise sans frais des déchets sept flux est ouvert en cours d’exécution du marché à moins de 10km du chantier, il faudra que l’entreprise de travaux ne s’enrichissent pas doublement au détriment du MOA en lui imputant intégralement les augmentations d’écocontribution tout en ne réduisant pas le prix du traitement des déchets alors même qu’elle bénéficierait d’une reprise gratuite.
Et en conclusion ces clauses devront également prévoir leur caducité en cas d’évolution réglementaire conduisant à l’instauration d’une écocontribution visible (ce qui règlerait en clair tous les problèmes…).
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[1] Pourcentage déterminé après analyse d’un échantillonnage de produits PMCB vendus en janvier 2024 par chausson.fr (distributeur faisant apparaître l’écocontribution).
[2] Moyenne d’augmentation sur l’ensemble du barème VALOBAT. On rappellera que cette augmentation
[3] Projet d’arrêté ministériel modifiant le cahier des charges des éco-organismes de la filière à responsabilité élargie du producteur des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment annexé à l’arrêté ministériel du 10 juin 2022
[4] Art. 6.3. du cahier des charges des éco-organismes de la filière à responsabilité élargie du producteur des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment annexé à l’arrêté ministériel du 10 juin 2022, complété par un courrier du Ministère de la transition écologique du 25 mai 2023, qui prévoit que les opérateurs peuvent facturer aux détenteurs un reste à charge, majoré au maximum de 10 % des coûts de référence des éco-organismes, et ceci jusque fin 2024.