Loi Industrie Verte : ce qui va changer pour la commande publique

Loi Industrie Verte : ce qui va changer pour la commande publique

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La tant attendue loi relative à l’Industrie Verte a été publiée le 24 octobre 2023.

On peut dire que les ambitions initiales étaient grandes : faire de la France le leader de l’industrie verte en Europe, le leader des technologies vertes nécessaires à la décarbonation et verdir les industries existantes. Le résultat final est, quant à lui… moins époustouflant avec une certaine perte de mesures ambitieuses en cours de route. On fait le point avec vous dans trois articles sur ce qui change pour la commande publique, l’économie circulaire et l’urbanisme.

On commence avec la commande publique qui fait l’objet de tout un Titre de la loi « Enjeux environnementaux de la commande publique » (articles 25 à 30). La loi souhaite ainsi œuvrer pour une commande publique plus verte avec les points suivants :

1 – De nouveaux motifs d’exclusion des marchés publics

Avant la loi Industrie Verte, les principaux motifs d’exclusion des marchés publiques et contrats de concession étaient (et demeurent toujours) :

  • De plein droit : en cas de condamnation (art. L2141-1 et art. L3123-1 code de la commande publique (CCP)), de non-souscription aux déclarations fiscales et sociales, impôts, taxes, de contributions non acquittées (art. L2141-2 et art. L3123-2 CCP), de personnes en redressement judiciaire (art. L2141-3 et art. L3123-3 CCP) ;
  • A l’appréciation de l’acheteur ou autorité concédante : manquement  aux obligations contractuelles lors de l’exécution d’un contrat de la commande publique antérieur (art. L2141-7 et art. L3123-7 CCP), manquement à l’obligation d’établir un plan de vigilance (art. L2141-7-1 et art. L3123-7-1 CCP), en cas d’influence exercée sur le processus décisionnel ou pour obtenir des informations confidentielles ou diffusion d’informations erronées ou distorsion de concurrence (art. L2141-8 et art. L3123-8 CCP), en cas d’entente économique pour fausser la concurrence (art. L2141-9 et art. L3123-9 CCP), de conflit d’intérêt (art. L2141-10 et art. L3123-10 CCP).

La loi vient ajouter de nouveaux motifs d’exclusion tels que :

Non établissement du Bilan des émissions de gaz à effet de serre (BEGES) – article 29 de la loi :

Pour les marchés publics et contrats de concession (pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d’appel à la concurrence a été envoyé), il est désormais possible d’exclure de la procédure de passation les personnes soumises à l’article L. 229-25 du code de l’environnement (entreprises employant > 500 pers.) qui ne satisfont pas à leur obligation d’établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre pour l’année qui précède l’année de publication de l’avis d’appel à la concurrence ou d’engagement de la consultation (art. L. 2141-7-2 et L.3123-7-2 code de la commande publique (CCP)).

C’est pour quand ? Ce motif est effectif et peut être utilisé depuis le 25 octobre 2023.

Non publication du rapport de durabilité – article 25 de la loi

Par ailleurs, le gouvernement est habilité à introduire dans le code de la commande publique, par voie d’ordonnance un dispositif d’exclusion des procédures de passation les sociétés ne publiant pas leur rapport de durabilité, et ce conformément à la directive européenne 2022/2464 du 14 décembre 2022 sur le reporting extra-financier dite « CSRD ».

Pour rappel, une entreprise sera concernée (art. L. 225-102-1 code de commerce) à partir du moment où elle cotée sur un marché européen ou si elle dépasse deux des trois critères suivants :

  • 20 millions d’euros de bilan ;
  • 40 millions d’euros de chiffre d’affaires ;
  • 500 salariés au 1er janvier 2024 (ce seuil passera à 250 salariés le 1er janvier 2025).

C’est pour quand ? Pas avant 2024 car le délai d’application est de neuf mois à compter la promulgation de la loi, soit à partir du 23 juillet 2024…

A noter également que la récente ordonnance n°2023-1142 (art.27) du 6 décembre 2023 est venue modifier les articles L2141-7-1 (procédure de passation d’un marché) et L3123-7-1 du code de la commande publique (contrat de concession) afin d’introduire le motif d’exclusion facultatif (« l’acheteur peut exclure ») en cas de non-respect de l’obligation de publication des informations en matière de durabilité ainsi que du non-respect de l’obligation d’établir un plan de vigilance.

L’article 36 de cette ordonnance indique que cette disposition entre en vigueur le 1er janvier 2026 et s’applique aux marchés publics et aux contrats de concession pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité est envoyé à la publication à compter de cette date.

Offre contenant une majorité de produits issus de pays ne respectant pas le principe de réciprocité – article 29

La loi Industrie Verte vient (déjà) abroger l’article 90 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables pour généraliser l’obligation à tous les marchés de fournitures et les marchés de travaux et de pose et d’installation de ces fournitures. La mesure est désormais la suivante :

« V.-Lorsqu’une offre présentée dans le cadre de la passation par une entité adjudicatrice d’un marché de fournitures ou d’un marché de travaux de pose et d’installation de ces fournitures contient des produits originaires de pays tiers avec lesquels l’Union européenne n’a pas conclu, dans un cadre multilatéral ou bilatéral, d’accord assurant un accès comparable et effectif des entreprises de l’Union européenne aux marchés de ces pays ou auxquels le bénéfice d’un tel accord n’a pas été étendu par une décision du Conseil de l’Union européenne, cette offre peut être rejetée lorsque les produits originaires des pays tiers mentionnés au présent V représentent la part majoritaire de la valeur totale des produits qu’elle contient, dans des conditions fixées par voie réglementaire. ».

On attend donc ici le texte d’application pour comprendre davantage les détails du dispositif. La volonté principale est de protéger les acheteurs publics du dumping fiscal, de la concurrence déloyale et des produits provenant de pays ne respectant pas les conditions et principes de base en matières environnementale et sociale.

2 – Le critère environnemental se renforce

Le critère environnemental dans le choix des offres pour un marché public est prévu à l’article L2152-7 du code de la commande publique et à l’article L3124-5 pour les contrats de concession. Cet article est modifié par la loi Industrie Verte et énonce désormais qu’un marché est attribué aux soumissionnaires qui ont présenté « l’offre la plus économiquement la plus avantageuse sur la base du critère du prix ou du coût. L’offre économiquement la plus avantageuse peut également être déterminée sur le fondement d’une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. ».

La loi Climat & Résilience du 22 août 2021 était venue ici prévoir pour le 21 août 2026 (ou avant en cas de décret) qu’au moins un des critères précités devra prendre en compte les caractéristiques environnementales de l’offre.

La loi Industrie Verte souhaitait accélérer cette mise en œuvre obligatoire des critères environnementaux dans le cadre de marchés publics pour des produits clés de la décarbonation (ex : voitures électriques, pompes à chaleur, etc.).

La prise en compte des critères environnementaux va donc devenir obligatoire maximum en août 2026 mais avant cela des dates d’application pourront déjà être fixées dès 2024 en fonction de l’objet du marché pour ces produits ciblés.

3 – Extension et amélioration des SPASER – article 26 de la loi

L’Etat devient soumis à l’obligation d’établir un SPASER (schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables) (enfin dirait-on !).

Ces schémas introduits par la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire ne concernaient initialement que les collectivités territoriales et les acheteurs soumis au CCP dont le montant annuel des achats était supérieur à 100 millions d’euros.  La loi Climat & Résilience est venue baisser ce seuil à 50 millions d’euros (art. 35).

De plus, le contenu du schéma est enrichi (et donc se complexifie) avec quelques précisions (art. L2111-3 CCP – ajouts en gras ci-après) :

« Ce schéma détermine les objectifs de politique d’achat de biens et de services comportant des éléments à caractère social visant à concourir à l’intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés ou défavorisés et des éléments à caractère écologique visant notamment à réduire les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’énergie, d’eau et de matériaux ainsi que les modalités de mise en œuvre et de suivi annuel de ces objectifs. Ce schéma contribue également à la promotion de la durabilité des produits, de la sobriété numérique et d’une économie circulaire. »

Enfin, est introduit la possibilité d’élaborer conjointement des SPASER, notamment en définissant les différentes spécifications et objectifs d’achats en commun afin de mutualiser le travail, créer des synergies et faciliter l’élaboration.

La loi Climat & Résilience prévoit d’ailleurs des modèles de SPASER (que l’on attend encore) pour contribuer à ce développement.

4 – Conditionnalité des aides publiques à la transition écologique et énergétique – article 29 de la loi

Une petite avancée notable ici : à compter du 1er juin 2024, il est prévu que :

« Le bénéfice d’aides publiques à la transition écologique et énergétique par les établissements publics et les sociétés dans lesquelles l’Etat détient directement ou indirectement une majorité du capital ou des droits de vote, dont la liste est fixée par décret, est soumis :

  • pour les entreprises employant plus de 500 personnes à la transmission du BEGES ;
  • pour celles employant entre 50 et 500 salariés, à la publication d’un bilan simplifié des émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre. »

Un décret (que l’on espère voir arriver rapidement pour laisser le temps aux établissements et aux entreprises de réaliser le bilan) viendra fixer les modalités de mise en œuvre, notamment la méthode d’élaboration du bilan simplifié.

Pour ces acteurs, ce bilan sur les émissions de gaz à effet de serre deviendra donc nécessaire pour pouvoir bénéficier d’aides.

Pour aller plus loin, retrouver le replay et le support du webinaire d’actualités de la loi Industrie Verte organisé par SKOV le 13 novembre 2023.

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