Loi industrie Verte : ce qui change en droit de l’urbanisme
La tant attendue loi relative à l’Industrie Verte a été publiée le 24 octobre 2023.
On peut dire que les ambitions initiales étaient grandes : faire de la France le leader de l’industrie verte en Europe, le leader des technologies vertes nécessaires à la décarbonation et verdir les industries existantes. Le résultat final est, quant à lui… moins époustouflant et moins ambitieux qu’initialement annoncé. On fait le point avec vous dans trois articles sur ce qui change pour la commande publique, l’économie circulaire et l’urbanisme.
Après avoir passé en revue la commande publique et l’économie circulaire dans nos précédents articles, on fait le point aujourd’hui sur l’impact de la loi pour l’urbanisme en 7 points.
1 – La Région, Cheffe de file de la planification industrielle
L’article 1er de la loi vient modifier l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Il prévoit désormais que les régions ont la charge de définir, au sein des schémas régionaux de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), des objectifs en matière de localisation des implantations industrielles.
💡Le SRADDET c’est quoi déjà ? Un instrument de planification à l’échelle régionale, qui a pour objet de préciser la stratégie, les objectifs et les règles fixées par la Région dans divers domaines de l’aménagement du territoire. |
2 – Les SCoT et la prise en compte de l’existence des friches
Deux articles de la loi Industrie Verte modifient plusieurs dispositions relatives aux SCoT.
D’abord, l’article 13 de la loi Industrie Verte vient modifier les dispositions des articles L. 141-3 et L. 141-6 du code de l’urbanisme, lesquels prévoient que les schémas de cohérence territoriale (SCoT) doivent prendre en compte l’existence des friches, qui sont définies, pour l’heure, par le code de l’urbanisme comme étant « tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables. »[1], étant ici précisé que le décret, qui doit fixer les modalités d’application de cette définition est en cours de rédaction et devrait être pris en 2024.
Ainsi, l’existence de ces friches doit être prise en compte que ce soit dans le PAS ou dans le DOO du SCoT !
💡Le SCoT, c’est quoi déjà ? C’est un document de planification stratégique à long terme (environ 20 ans) qui a pour objet d’assurer, à l’échelle du territoire qu’il couvre, la cohérence des politiques mises en œuvre, notamment en matière d’urbanisme. Ce document de planification est composé de trois parties, à savoir : 1 – D’un projet d’aménagement stratégique (PAS) 2 – D’un document d’orientation et d’objectifs (DOO) 3 – Des annexes |
Ensuite, l’article 16 modifie les dispositions de l’article L. 141-10 du code de l’urbanisme, et précise que désormais, le DOO doit définir, au regard des enjeux en matière de préservation de l’environnement et des ressources naturelles, de prévention des risques naturels, de transition écologique, énergétique et climatique :
« (…) 3° Les modalités de protection des espaces nécessaires au maintien de la biodiversité et à la préservation ou à la remise en bon état des continuités écologiques et de la ressource en eau. Il peut identifier à cette fin des zones préférentielles pour la renaturation, par la transformation de sols artificialisés en sols non artificialisés ainsi que des zones propices à l’accueil de sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation ; (…) »
⚠️ Nouvelle notion issue de la loi Industrie Verte ! Les « sites naturels de compensations, de restauration et de renaturation » remplacent les « sites naturels de compensation ». Ces nouveaux sites ont vocation à accueillir des opérations de restauration ou de développement de la biodiversité mises en place par des personnes publiques ou privées. Ces prestations pourront être vendues, sous la forme d’unités de restauration ou de renaturation, de façon anticipée, mais non nécessairement mutualisée, à toute personne soumise à une obligation de compensation des atteintes à la biodiversité. A la différence des « sites de compensation », les « sites de compensations, de restauration et de renaturation » peuvent désormais être acquis par toutes personnes publique ou privée, et donner lieu à l’attribution de crédits carbone, dans le cadre du label « Bas-Carbone » afin de valoriser les réductions d’émissions de gaz à effet de serre. |
Ces nouveaux sites ont vocation à accueillir des opérations de restauration ou de développement de la biodiversité mises en place par des personnes publiques ou privées.
Ces prestations pourront être vendues, sous la forme d’unités de restauration ou de renaturation, de façon anticipée, mais non nécessairement mutualisée, à toute personne soumise à une obligation de compensation des atteintes à la biodiversité.
A la différence des « sites de compensation », les « sites de compensations, de restauration et de renaturation » peuvent désormais être acquis par toutes personnes publique ou privée, et donner lieu à l’attribution de crédits carbone, dans le cadre du label « Bas-Carbone » afin de valoriser les réductions d’émissions de gaz à effet de serre.
Enfin, le même article 16 modifie également les dispositions de l’article L. 151-7 du code de l’urbanisme concernant cette fois-ci, non pas les SCoT mais les OAP des PLU.
En application de ces nouvelles dispositions, les orientations d’aménagement et de programmation (OAP) pourront porter sur des quartiers ou des secteurs propices à l’accueil des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation.
3 – Rôle renforcé des établissements publics fonciers dans le développement industriel des territoires
L’article 3 de la loi Industrie Verte vient modifier les articles L. 321-1 et L. 324-1 du code de l’urbanisme qui concernent les établissements publics fonciers (Etat et locaux).
Avec ces nouvelles dispositions, ces établissements publics vont jouer un rôle renforcé en matière de développement industriels des territoires.
A travers leurs stratégies foncières ils pourront contribuer au développement industriel en procédant, notamment, à l’acquisition et à la réhabilitation de friches.
4 – Faciliter et accélérer l’implantation d’industries vertes
L’article 17 de la loi Industrie Verte modifie l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme afin d’accélérer l’implantation industrielle en accélérant la mise en compatibilité des documents de planification qui feraient obstacle à la réalisation d’un projet dont l’importance particulière a été reconnue.
Précisément, la modification de cet article a pour objet d’étendre le bénéfice de la procédure de déclaration de projet, prévue à l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme, aux implantations industrielles qui relèvent des chaînes de valeur des secteurs des technologies favorables au développement durable, étant précisé que ces secteurs seront définis par décret en Conseil d’Etat.
En outre, l’avant dernier alinéa de cette disposition prévoit que lorsqu’une autorisation de projet est prononcée par l’Etat, le projet en question pourra se voir reconnaitre le caractère de projet répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM).
Il s’agit notamment de la première condition pour solliciter des dérogations à la protection stricte des espèces protégées.
Comme l’indique ce même avant dernier alinéa, une telle reconnaissance permettra de sécuriser les porteurs de projet au stade de la déclaration de projet, puisque celle-ci ne pourra être contestée lors d’un recours dirigé contre l’acte qui accorde des dérogations aux règles de protection stricte des espèces protégées.
💡 La déclaration de projet c’est quoi déjà ? C’est une procédure accélérée permettant la mise en compatibilité des documents d’urbanisme à un projet d’aménagement d’intérêt général. Une telle procédure permet, après enquête publique, de déclarer d’intérêt général une action ou une opération d’aménagement, un programme de construction, un projet d’implantation d’installation de production d’énergies renouvelables, de stockage d’électricité, de production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone, et les ouvrages de raccordement, ouvrage des réseaux publics de transport ou de distribution d’électricité. Son intérêt est de permettre l’adaptation des documents d’urbanisme ou de planification qui empêcheraient la réalisation de projets, sans passer par la déclaration d’utilité publique (qui est une autre procédure de mise en compatibilité). |
5 – Une nouvelle procédure pour la mise en œuvre des projets industriels d’intérêt national majeur
⚠️ L’article 19 de la loi Industrie Verte vient créer un article L. 300-6-2 au sein du code de l’urbanisme dans lequel l’Etat devient l’acteur des projets industriels d’intérêt national majeur.
Ainsi, cet article est intégralement nouveau et instaure une procédure exceptionnelle pour la mise en œuvre des projets industriels d’intérêt national majeur.
Ces projets d’intérêt national majeur pour la transition écologique ou la souveraineté nationale seront des projets de très grande ampleur en termes d’investissement et d’emploi.
Ils peuvent d’ailleurs se voir reconnaitre le caractère de projet répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), ainsi que le prévoit désormais l’article L. 411-2-1 du code de l’environnement.
Plusieurs outils sont prévus pour faciliter la mise en œuvre de ces projets industriels de très grande ampleur, et notamment :
- La possibilité pour l’Etat de mettre en compatibilité les documents de planification territoriale (tel que le SRADDET) et les documents locaux d’urbanisme (tels que le SCoT ou le PLU) avec ces projets d’intérêt national majeur dans le cas où la modification ou la révision de ces documents est nécessaire pour permettre la réalisation des travaux, des installations et des aménagements desdits projets ;
- Le projet de mise en compatibilité pourra faire l’objet d’une évaluation environnementale si l’autorité environnementale l’estime nécessaire au vu du dossier transmis par le porteur du projet ;
- Dans le cas où une évaluation environnementale est mise en œuvre, l’Etat en présente le bilan devant l’organe délibérant ou la personne publique compétente pour adopter le document, qui doit rendre un avis sur le projet de mise en compatibilité, étant précisé que cette mise en compatibilité est directement initiée par l’Etat ce qui permet d’accélérer cette procédure et partant, la réalisation de ces projets ;
- Des dérogations procédurales, accordées aux opérations de raccordement au réseau de transport d’électricité des grandes opérations de décarbonation industrielle ;
- Que l’Etat est compétent pour délivrer le permis de construire de ces projets, sachant qu’ils ne pourront pas, au moins en théorie, être imposés aux communes puisque l’avis conforme des élus locaux sera requis en début de procédure.
Autrement dit, en principe, les communes ne pourront pas se voir imposer ces projets d’intérêt national majeur.
6 – Simplification des conditions de délivrance des autorisations administratives pour les installations de production d’énergies renouvelables en zone d’activités économiques
L’article 20 de la loi Industrie Verte complète le champ d’application de l’article L. 122-13 du code de l’environnement relatif aux installations de production d’énergie renouvelable en zones d’activités économiques.
Désormais, les sociétés d’économies mixtes locales pourront implanter et gérer des installations de production d’énergie renouvelables qui ne sont pas limitées aux installations solaires ou de valorisation des énergies de récupération et ce, afin d’assurer un approvisionnement compétitif par autoconsommation des industriels implantés dans une zone d’activité considérée.
7 – Reconnaissance du caractère de RIIPM dans le cadre d’une opération ou de travaux faisant l’objet d’une déclaration d’utilité publique
Enfin l’article 21 de la loi modifie plusieurs dispositions du code de l’expropriation de sorte que désormais, la reconnaissance du caractère de raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) d’une opération ou de travaux faisant l’objet d’une déclaration d’utilité publique peut intervenir dès le stade de cette déclaration.
Plus encore, cet article prévoit que la reconnaissance du caractère de RIIPM ne pourra plus être attaquée en justice qu’à l’occasion du recours contre la DUP et non au stade de l’obtention de la dérogation « espèces protégées », qui intervient dans un deuxième temps.
Cette disposition est à lire en parallèle avec la procédure instaurée par l’article 17 de la loi qui prévoit une procédure similaire concernant les projets d’intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique.
Pour aller plus loin, retrouver le replay et le support du webinaire d’actualités de la loi Industrie Verte organisé par SKOV le 13 novembre 2023.
Auteurs : Me Charlène NECTOUX et Me Rémi DUVERNEUIL.