Loi 3DS : les principales mesures pour les collectivités territoriales en matière d’urbanisme

Loi 3DS : les principales mesures pour les collectivités territoriales en matière d’urbanisme

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Vous l’aurez sûrement entendu, la loi 3DS (relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale) parue le 22 février 2022 est quelque peu complexe et dense.

Cette loi qui compte 271 articles avait notamment pour objectif de donner davantage de marge de manœuvre aux collectivités territoriales, dans de nombreux domaines.

Vous l’aurez compris à la lecture de son titre, la loi se découpe principalement en quatre parties :

  • Différenciation ;
  • Décentralisation comprenant la transition écologique, l’urbanisme et le logement, la santé, la cohésion sociale, l’éducation et la culture ;
  • Simplification, comprenant le partage des données entre administrations, la simplification du fonctionnement des institutions locales, la simplification de l’action publique locale en matière d’aménagement et d’environnement, la transparence et agilité des entreprises locales, etc. ;
  • Déconcentration pour renforcer les services territoriaux de l’Etat et leur capacité d’appui aux collectivités.

Il faudrait donc bien plus qu’un seul article pour décrypter toutes ces nouvelles mesures ! Nous proposons dans cet article de se concentrer sur le volet urbanisme, avec notre expert sur le sujet, Me Rémi DUVERNEUIL.

Tour d’horizon des principales mesures impactant le secteur de l’urbanisme :

1 – De nouveaux moyens pour revitaliser les territoires

Pour lutter contre la dévitalisation des centres-villes, la loi prévoit d’élargir, sous deux conditions[1] et par dérogation du représentant de l’État dans le département, le dispositif d’opération de revitalisation du territoire (ORT) aux communes membres d’un EPCI sans que la convention d’ORT n’intègre la ville principale de l’EPCI.

POUR RAPPEL, l’ORT créée par la loi ELAN est une convention réunissant l’État, ses établissements publics intéressés, un EPCI et tout ou partie de ses communes membres mais comprenant nécessairement sa ville principale.

Le nouvel article L.303-3 du code de la construction et de l’habitation prévoit donc d’étendre ce dispositif sans intégration de la ville principale.

Afin de favoriser le recyclage des entrées de villes et des zones pavillonnaires, la loi prévoit des dérogations aux règles d’urbanisme pour faciliter la diversification des fonctions urbaines dans ces zones. Est ainsi créé un nouvel article L.152-6-4 du code de l’urbanisme prévoyant que dans les secteurs d’intervention des ORT, des dérogations au règlement du PLU (retrait par rapport aux limites séparatives, majoration du gabarit, stationnement, destination non autorisée) soient possibles.

Pour accélérer leur engagement à signer des ORT, les prérogatives des collectivités territoriales en matière de régulation de l’urbanisme commercial sont renforcées. Ainsi, à titre expérimental et sous conditions, l’autorité compétente en matière de délivrance des autorisations de construire est également chargée de délivrer les autorisations d’exploitation commerciale.

Toujours dans le cadre des ORT, le droit de préemption urbain renforcé sur les fonds de commerce, les baux commerciaux et les terrains faisant l’objet de projets d’aménagement commercial peut dorénavant être délégué à un opérateur en charge de la réalisation d’actions ou d’opérations pour le maintien, la mutation ou le développement d’activités commerciales ou artisanales.

Les biens situés dans le périmètre de grandes opérations d’urbanisme (GOU), d’ORT, dans une zone de revitalisation rurale ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville sont considérés comme étant sans maître à l’issue d’un délai de 10 ans (contre 30 ans en principe[2]) à compter de l’ouverture de la succession et pour laquelle aucun successible ne s’est présenté. En outre, le périmètre d’application du régime applicable à un bien en état manifeste d’abandon est élargi à tout le territoire d’une commune et plus seulement à la seule agglomération.

En lien avec ce qui précède, la loi prévoit d’aménager la procédure d’acquisition des biens sans maître.

Dans ce cadre, les deux procédures d’acquisition de bien sans maître selon qu’il s’agit d’un bien bâti ou non bâti sont fusionnées.

En outre, le pouvoir de police spéciale du maire[3], prévu pour contraindre un propriétaire ou ses ayants droit à entretenir un terrain non bâti, est étendu à une parcelle partiellement bâtie sur la partie non bâtie.

2 – Des « aides » pour atteindre les objectifs « Loi climat »

Dans les suites de la loi « Climat », l’Assemblée nationale a souhaité créer de nouveaux articles dans le code de l’urbanisme[4] permettant à la commune ou à l’EPCI compétent de demander au préfet ou à la préfète se prononcer formellement sur la sincérité de l’analyse de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers réalisée au titre du diagnostic initial, et sur la cohérence des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain contenus dans le projet d’aménagement et de développement durable (PADD) avec le diagnostic initial.

Dans les suites, également, de la loi « Climat », l’Assemblée nationale a souhaité modifier les délais fixés pour l’intégration des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols dans les documents de planification et d’urbanisme.

Ainsi, afin de disposer d’un temps suffisant pour assurer la déclinaison et la différenciation territoriales des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols, la loi prévoit d’accorder six mois supplémentaires pour l’entrée en vigueur des documents de planification régionale. De même, des délais supplémentaires sont accordés à la conférence des schémas de cohérence territoriale afin de leur permettre de contribuer efficacement à la définition des enjeux au niveau régional.

3 – Et d’autres dispositions spécifiques à retenir

Pour lutter contre le phénomène de « lits froids » (logements rarement occupés par leur propriétaire et non occupés par des locataires), la loi insère un nouvel article dans le code du tourisme visant les résidences de tourisme et en particulier la cession des meublés les composant. Ainsi, à l’occasion de la mise en vente de ces meublés, le nouvel article du code du tourisme[5] prévoit de permettre la cession à titre gratuit des droits des exploitants de résidences de tourisme à des organisations spécifiques (établissements publics, sociétés d’économie mixte, société publiques locales, etc.) susceptibles de maintenir les lits chauds.

Par ailleurs, le droit de préférence dont dispose le locataire d’un bail commercial est exclu pour les biens faisant l’objet d’un droit de préemption. Il existe donc, en cas de cession de ce type de biens, une hiérarchie inversée par rapport à la position de la Cour de cassation : droit de préemption au profit des collectivités puis, en cas de renonciation, droit de préférence au profit du locataire.

Enfin, la loi crée un nouvel article L.151-42-1 du code de l’urbanisme qui permet de délimiter dans un PLU des secteurs dans lesquels l’implantation d’éolienne est soumise à conditions pour prendre en compte le voisinage (habitation et atteinte à la sauvegarde des paysages).

En résumé …

De manière générale, la loi 3DS est une compilation de nouvelles dispositions issues d’amendements proposés tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale et de compromis.

C’est dans cet état d’esprit global que des dispositions relatives au droit de l’urbanisme ont été insérées sans lien entre elles et avec le risque avéré de complexifier encore un peu plus l’application de ce droit…

On peut, toutefois, noter la volonté du législateur de doter les collectivités territoriales de « nouveaux » outils pour revitaliser leur territoire.


[1] Les deux conditions étant les suivantes :

« 1° Présenter une situation de discontinuité territoriale ou d’éloignement par rapport à la ville principale de l’établissement

public de coopération intercommunale à fiscalité propre » ;

et « 2° Identifier en son sein une ou des villes présentant des caractéristiques de centralité appréciées notamment au regard

de la diversité des fonctions urbaines exercées en matière d’équipements et de services vis à vis des communes alentours. »

(nouvel article L. 303 3. du code de la construction et l’habitation)

[2] Article L1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques

[3] Tel que prévu à l’article L2213-25 du code général des collectivités territoriales

[4] Articles L153-16-1 et L.153-40-1 du code de l’urbanisme

[5] Article L.321-5 du code du tourisme

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