Desserte d’une construction en eau potable et gestion durable de la ressource

Desserte d’une construction en eau potable et gestion durable de la ressource

eau potable et urbanisme

Vous êtes gestionnaire des réseaux d’eau potable dans votre commune ? Vous vous interrogez sur les obligations qui vous incombent en droit de l’urbanisme ?

Vous êtes propriétaire d’un bien immobilier ou vous envisagez de construire et vous souhaitez que votre bien soit raccordé au réseau d’eau public d’eau potable? Vous vous interrogez sur vos droits en la matière?

Le point sur le droit d’accès à l’eau potable, mais aussi sur les obligations et devoirs qui en découlent.

Un droit d’accès à l’eau potable

En France, le code de l’environnement prévoit, notamment, que[1] « l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. »

Il existe donc un droit d’accès à l’eau potable pour l’alimentation et l’hygiène ; droit nécessairement et heureusement encadré puisqu’il est précisé « dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis ».

Ce sont les communes compétentes en matière de distribution d’eau potable[2] qui ont l’obligation de répondre à ce droit d’accès.

Les obligations qui en découlent pour les collectivités…

Pour que les communes puissent répondre à ce droit d’accès, elles doivent fixer un schéma de distribution d’eau potable déterminant les zones desservies par le réseau de distribution, et ce au plus tard le 31 décembre 2024, ou dans les deux ans suivant la prise de compétence. Les communes peuvent également assurer la production, mais aussi le stockage et le transport d’eau potable.

Ce schéma comprend aussi un descriptif et un diagnostic des ouvrages et équipements nécessaires, et depuis la Loi Climat adoptée en août 2021, un programme d’actions chiffrées et hiérarchisées pour améliorer l’état et le fonctionnement de ces ouvrages et équipements.

Enfin, le schéma doit tenir compte de l’évolution de la population et des ressources en eau disponibles. Si le taux de perte en eau du réseau est supérieur à celui fixé par décret, ce schéma devra donc être complété par un plan d’actions et un éventuel projet de programme de travaux

Ce droit au raccordement est également encadré par le droit de l’urbanisme qui prévoit que les bâtiments, locaux ou installations ne peuvent être raccordés au réseau d’eau (mais aussi d’électricité, gaz ou téléphone) si leur construction ou transformation n’a pas été, selon le cas, agréée ou autorisée[3]. A contrario, dans les zones desservies par le réseau d’eau potable telles que déterminées par le schéma, la commune ne peut refuser le branchement sauf pour les constructions non autorisées.

Sur ce point, le Conseil d’Etat a récemment pris une décision de principe[4] relative aux obligations des collectivités territoriales en matière de raccordement au réseau public d’eau potable. Il a ainsi jugé qu’il « appartient aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale compétents de délimiter, dans le respect du principe d’égalité devant le service public, les zones de desserte dans lesquelles ils sont tenus, tant qu’ils n’en ont pas modifié les délimitations, de faire droit aux demandes de réalisation de travaux de raccordement, dans un délai raisonnable, pour toutes les propriétés qui ont fait l’objet des autorisations et agréments visés à l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme. Ce délai doit s’apprécier au regard, notamment, du coût et de la difficulté technique des travaux d’extension du réseau de distribution d’eau potable et des modalités envisageables de financement des travaux. En dehors des zones de desserte ou en l’absence de délimitation par le schéma de telles zones, la collectivité apprécie la suite à donner aux demandes d’exécution de travaux de raccordement, dans le respect du principe d’égalité devant le service public, en fonction, notamment, de leur coût, de l’intérêt public et des conditions d’accès à d’autres sources d’alimentation en eau potable. Le juge de l’excès de pouvoir exerce alors, en cas de refus, un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation. »

L’affaire jugée par le Conseil d’Etat a été renvoyée devant la Cour administrative d’appel de Lyon qui a, in fine, confirmé le jugement rendu en première instance par le Tribunal administratif de Grenoble [5] :

La position précisée par le juge administratif est donc dorénavant la suivante :

  • Si des travaux ou constructions sont autorisés sur un bien faisant partie intégrante des zones desservies par le réseau de distribution, la collectivité gestionnaire du réseau public d’eau potable doit faire droit à toute demande de raccordement audit réseau ;
  • Si le bien objet des mêmes travaux ou constructions ne fait pas partie intégrante des zones desservies par le réseau de distribution de l’eau potable, la collectivité gestionnaire peut refuser le raccordement dans le respect du principe d’égalité devant le service public en fonction, notamment :
    • Du coût,
    • De l’intérêt public,
    • Des conditions d’accès à d’autres sources d’alimentation en eau potable,
    • (…).

Ainsi, de manière générale, pour connaître les obligations en matière de raccordement au réseau public d’eau potable, il convient de vérifier :

  1. Si le bien est, ou non, situé dans les zones desservies par le réseau, d’une part,
  2. Et si sa construction est conforme aux règles applicables en matière de droit de l’urbanisme, d’autre part.

Sur la base de la position du juge administratif et dans les conditions fixées par ce dernier, les communes peuvent donc s’opposer aux demandes de raccordement au réseau d’eau potable au regard, notamment, de l’intérêt public.

… Et la gestion durable de la ressource eau…

Sous réserve de la position du Juge administratif sur ce point, la gestion durable de la ressource eau semble pouvoir justifier un refus de raccordement fondé sur l’intérêt public.

Le code de l’environnement le rappelle : l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation ![6]

Autrement dit, sa protection, mise en valeur et développement doivent se faire dans le respect des équilibres naturels (impliquant la préservation des écosystèmes aquatiques et de la biodiversité) et sont d’intérêt général.

…rappelée par la Loi Climat

La Loi « Climat et Résilience » est venue préciser que la qualité de l’eau comme celle de l’air fait également partie du patrimoine commun de la nation[7].

La même Loi a modifié l’article L.2224-7-1 du code général des collectivités territoriales[8] en précisant que le schéma de distribution d’eau potable doit comprendre un programme d’actions chiffrées et hiérarchisées pour améliorer l’état et le fonctionnement des ouvrages et équipements nécessaires à la distribution de l’eau potable.

En outre, et surtout, le même schéma doit tenir compte de l’évolution de la population et des ressources en eau disponibles.

Cette modification de l’article L2224-7-1 du code général des collectivités territoriales a été écrite à l’aune du changement climatique qui contribue à accroître les tensions qui s’exercent sur la ressource en eau et des pénuries de plus en plus fréquentes touchant désormais l’ensemble du territoire.

Les communes sont donc clairement incitées à améliorer le rendement de leur réseau de distribution, d’une part, et à diminuer les prélèvements d’eau potable, d’autre part.

Elles doivent, en tout état de cause, faire attention à ce que leur PLU soit compatible avec le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) applicable et à l’éventuel Schéma d’Aménagement et de Gestion de l’Eau (SAGE).

En résumé, le droit d’accès à l’eau potable pour tous est consacré et protégé par les textes et la jurisprudence. Il appartient aux communes d’encadrer le droit au raccordement par la mise en place d’un Schéma de distribution de l’eau potable qui doit lui-même prendre, notamment, en compte l’évolution des ressources en eau.

Et parce qu’un simple accès à l’eau ne suffit pas, la Loi Climat est venue également renforcer ce droit en inscrivant désormais la qualité de l’eau, au même titre que la qualité de l’air, dans le patrimoine commun de la nation.


[1] Article L.210-1 du code de l’environnement

[2] Article L.2224-7-1 du code général des collectivités territoriales, tel que modifié par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

[3] Article L.111-12 du code de l’urbanisme

[4] CE, 26 janvier 2021, n°431494

[5] CAA LYON, 24 juin 2021, n°21LY00282

[6] Article L.210-1 du code de l’environnement

[7] Article 48 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ayant modifié les dispositions de l’article L.110-1 du code de l’environnement.

[8] Article 59 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ayant modifié les dispositions de l’article L.110-1 du code de l’environnement.

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