Décret portant sur la nomenclature de l’artificialisation des sols : ce qu’il faut retenir en matière d’urbanisme !
« La nomenclature de l’artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme » … tel est le titre du récent décret n°2022-763 du 29 avril 2022.
Ce décret prévu par l’article 192 de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi Climat et Résilience », était particulièrement attendu puisqu’il devait, outre fixer les conditions d’application du nouvel article L.101-2-1 du code de l’urbanisme, établir « (…) notamment une nomenclature des sols artificialisés ainsi que l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme ».
A la lecture de ce décret, on s’aperçoit que l’objectif fixé est partiellement rempli.
1 – Ce qui a été prévu par la loi
Pour rappel, l’article 192 de la loi Climat et Résilience a modifié l’article L.101-2 du code de l’urbanisme en créant un « 6° bis ».
Ainsi, en matière d’urbanisme les collectivités publiques doivent lutter contre l’urbanisation des sols avec comme objectif l’absence d’artificialisation nette à terme.
En complément de ces dispositions, le même article 192 de la loi a créé un nouvel article L.101-2-1 du code de l’urbanisme précisant que l’atteinte des objectifs définis au 6° bis de l’article L.101-2 du même code résulte de l’équilibre entre, notamment, la maîtrise de l’étalement urbain et la renaturation des sols artificialisés.
C’est dans ce cadre que l’artificialisation, d’une part, et la renaturation ou désartificialisation des sols, d’autre part, ont été définies.
C’est également dans ce cadre qu’il a été précisé que :
« Au sein des documents de planification et d’urbanisme, lorsque la loi ou le règlement prévoit des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols ou de son rythme, ces objectifs sont fixés et évalués en considérant comme :
a) Artificialisée une surface dont les sols sont soit imperméabilisés en raison du bâti ou d’un revêtement, soit stabilisés et compactés, soit constitués de matériaux composites ;
b) Non artificialisée une surface soit naturelle, nue ou couverte d’eau, soit végétalisée, constituant un habitat naturel ou utilisée à usage de cultures. »
2 – La nomenclature établie par le décret s’appliquera … à partir de 2031 !
Si le décret du 29 avril 2022 est d’application immédiate, il est expressément indiqué que la nomenclature annexée au nouvel article R.101-1 du code de l’urbanisme ne s’applique pas pour les objectifs de la première tranche de dix ans prévue par l’article 194 de la loi Climat et Résilience.
Le décret vient ici confirmer ce que le III de l’article 194 prévoyait, à savoir que pour la première tranche de dix ans (allant donc de 2021 à 2031), les objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation des sols porteront uniquement sur la réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers.
Il n’en demeure pas moins que les documents de planification régionale (qui sont d’ailleurs expressément visés par le décret : le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires – SRADDET ; le plan d’aménagement et de développement durable de Corse – PADDUC ; le schéma d’aménagement régional – SAR ; le schéma directeur de la région d’Ile-de-France – SDRIF) doivent prendre en compte immédiatement la nomenclature pour définir les objectifs à atteindre dès 2031.
3 – Une surface perméable peut être artificialisée et sa classification ne dépend que de son occupation effective
Le décret du 29 avril 2022 prévoit donc une nomenclature des surfaces artificialisées ou non ; nomenclature qui est annexée à l’article R.101-1 du code de l’urbanisme.
Huit catégories de surfaces sont ainsi recensées : cinq artificialisées et trois non artificialisées et c’est au regard de cette nomenclature que le solde, entre surfaces artificialisées et celles qui ne le sont pas, doit être évalué.
Enfin, le zonage de la surface est sans incidence sur sa classification.
Les surfaces artificialisées
L’article L.101-2-1 du code de l’urbanisme distinguait trois types de surface artificialisée :
- Sols imperméabilisés ;
- Sols stabilisés et compactés ;
- Sols constitués de matériaux composites.
Le décret précise, quant à lui, que l’imperméabilisation ou non des sols n’est pas déterminante puisqu’il distingue :
- « 1° Surfaces dont les sols sont imperméabilisés en raison du bâti (constructions, aménagements, ouvrages ou installations).
- 2° Surfaces dont les sols sont imperméabilisés en raison d’un revêtement (artificiel, asphalté, bétonné, couvert de pavés ou de dalles).
- 3° Surfaces partiellement ou totalement perméables dont les sols sont stabilisés et compactés ou recouverts de matériaux minéraux.
- 4° Surfaces partiellement ou totalement perméables dont les sols sont constitués de matériaux composites (couverture hétérogène et artificielle avec un mélange de matériaux non minéraux).
- 5° Surfaces à usage résidentiel, de production secondaire ou tertiaire, ou d’infrastructures notamment de transport ou de logistique, dont les sols sont couverts par une végétation herbacée, y compris si ces surfaces sont en chantier ou sont en état d’abandon. »
En synthèse, ce qui est pris en compte pour classer une surface artificialisée c’est bien non pas le caractère perméable ou non des sols mais bien l’intervention de l’homme à des fins autres qu’agricoles.
Le décret précise que pour être considérées comme surfaces végétalisées herbacées (telles que mentionnées dans la 5ème catégorie), les surfaces végétalisées ne doivent pas être ligneuses (pour faire simple, une plante est ligneuse si elle présente une tige en bois).
Les surfaces non artificialisées
Ici, la loi distinguait trois types de surface :
- Les surfaces naturelles nues ou couvertes d’eau ;
- Les surfaces végétalisées à usage de cultures ;
- Les surfaces végétalisées constituant un habitat naturel.
Le décret reprend cette distinction en en précisant les contours :
- « 6° Surfaces naturelles qui sont soit nues (sable, galets, rochers, pierres ou tout autre matériau minéral, y compris les surfaces d’activités extractives de matériaux en exploitation) soit couvertes en permanence d’eau, de neige ou de glace.
- 7° Surfaces à usage de cultures, qui sont végétalisées (agriculture, sylviculture) ou en eau (pêche, aquaculture, saliculture).
- 8° Surfaces naturelles ou végétalisées constituant un habitat naturel, qui n’entrent pas dans les catégories 5°, 6° et 7°. »
L’occupation et non le classement mesurée à l’échelle de polygones qui restent à définir
Le nouvel article R.101-1 du code de l’urbanisme créé par le décret du 29 avril 2022 apporte une précision importante : seule l’occupation effective de la surface considérée est prise en compte peu importe son zonage tel qu’il résulte des documents de planification et d’urbanisme.
Reste à définir l’échelle pour mesurer l’occupation effective puisqu’il est précisé au II du nouvel article R.101-1 du code de l’urbanisme que : « L’occupation effective est mesurée à l’échelle de polygones dont la surface set définie en fonction de seuils de référence précisés par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme selon les standards du Conseil national de l’information géographique. »…
En résumé …
Si la nomenclature des surfaces artificialisées ou non est établie par le décret du 29 avril 2022, elle ne sera réellement utilisée à partir de 2031 et le classement des différentes surfaces dépendra de la taille desdites surfaces qui sera définie par un arrêté ministériel à venir…