Les matériaux biosourcés : 2 nouveautés juridiques qui vont les rendre incontournables (et obligatoires) d’ici peu
Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, il est utile de rappeler brièvement ce que le droit entend par matière ou de matériau biosourcé : une « matière issue de la biomasse végétale ou animale pouvant être utilisée comme matière première dans des produits de construction et de décoration, de mobilier fixe et comme matériau de construction dans un bâtiment » [1].
Concrètement, on peut citer le bois, la paille, le chanvre, la laine de mouton, etc.
Et vous vous demandez sûrement pourquoi nous revenons vers vous aujourd’hui avec un article sur ces matériaux bas-carbone ? Parce que le sujet est BRÛ-LANT !
L’urgence de réduire les émissions carbones et de stocker les gaz à effet de serre conduit à faire de ces matériaux traditionnels des matériaux de premier choix.
Nous vous présentons deux nouveautés, légale et réglementaire, qui vont les rendre incontournables et obligatoires d’ici peu.
1 – RE2020 et matériaux biosourcés
La Réglementation Environnementale 2020 (ou RE2020), qu’on ne présente plus, entrera en vigueur au 1er janvier 2022 pour les logements.
Si on attend encore la publication des textes finaux, il est d’ores et déjà acté qu’elle fait la part belle aux biosourcés.
Et pour cause : elle a notamment pour objectif de diminuer l’impact carbone de la construction des bâtiments.
Pour ce faire, elle implique le recours à une analyse du cycle de vie (ACV) dynamique qui valorisera l’usage de matériaux qui stockent le carbone (bois et biosourcés).
Un levier pharamineux pour ces filières !
BON A SAVOIR : au-delà du cas français, c’est tout le marché européen qui pourrait se mettre à l’heure du biosourcé très prochainement !
En effet, un projet de révision du Règlement Climat[2] de l’Union européenne, qui devrait intervenir dans les prochains mois, fixe un objectif de réduction des émissions de GES de -55 % en 2030 par rapport à 1990.
Il précise également que pour y parvenir, les Etats membres devront donner la priorité à des réductions d’émissions rapides et prévisibles et, en même temps, améliorer les absorptions par les puits naturels.
Et voilà encore deux bonnes raisons pour le gouvernement d’imposer au secteur de la construction de se tourner vers les matériaux biosourcés, sans plus tarder !
2 – Loi Climat et matériaux biosourcés dans la commande publique
Dans le cadre de l’examen en 1ère lecture de la loi Climat[3] par l’Assemblée nationale, un amendement a introduit une obligation de recourir aux matériaux biosourcés dans le cadre de la commande publique.
Le texte figure actuellement à l’article 15 TER et dans sa version telle qu’adoptée par l’Assemblée nationale[4], il est formulé comme suit :
« À compter du 1er janvier 2028, l’usage des matériaux biosourcés doit intervenir dans au moins 25 % des rénovations et constructions dans lesquelles intervient la commande publique. Un décret en Conseil d’État précise les conditions de validation de cet objectif pour chaque commande publique. »
Cette disposition viendrait s’ajouter à l’article L. 228‑4 du code de l’environnement qui incite déjà les acheteurs publics à se tourner vers ces matériaux, mais en des termes non contraignants[5].
A noter que ce n’est pas la première tentative du législateur pour contraindre les acheteurs publics à recourir à ces matériaux.
Jadis, lors de l’examen de la LTCV[6], plusieurs amendements avaient été déposés afin d’instaurer l’incorporation d’un minimum de matériaux biosourcés dans les constructions publiques.
Mais la commission des affaires économiques du Sénat avait opposé à ces amendements la décision Syndicat français de l’industrie cimentière, rendue par le Conseil constitutionnel le 24 mai 2013[7], dans laquelle est déclarée contraire à la liberté d’entreprendre une disposition imposant une quantité minimum de matériaux en bois dans les constructions.
La question de la constitutionnalité de cette disposition de la loi Climat sera donc probablement soulevée. On peut néanmoins espérer qu’avec la reconnaissance de l’objectif à valeur constitutionnelle de protection de l’environnement en 2020, le Conseil constitutionnel fera évoluer sa jurisprudence et validera cette obligation !
3 – Quelques astuces « juridiques »
- MOA Public – Un nouveau guide pour prescrire les matériaux de construction biosourcés
Si cet article vous a donné envie de vous mettre au biosourcé sans plus attendre, sachez si vous êtes un maître d’ouvrage public que le ministère de l’Écologie a publié en avril 2020 un Guide « LES MATÉRIAUX DECONSTRUCTION BIOSOURCÉS DANS LA COMMANDE PUBLIQUE ».
Il répondra à toutes vos questions pour commencer du bon pied votre démarche !
- Incompatibilité du biosourcé avec le PLU ? L’article L. 111-16 du code de l’urbanisme pourrait bien vous sauver
Introduit par la loi Grenelle, cet article prévoit que nonobstant les règles relatives à l’aspect extérieur des constructions qui figurent dans les PLU, les POS, les plans d’aménagement de zone et les règlements des lotissements applicables, l’autorité administrative ne peut s’opposer à l’utilisation de matériaux renouvelables ou de matériaux ou procédés de construction permettant d’éviter l’émission de GES.
L’article R111-23 du même code précise que les dispositifs, matériaux ou procédés qui bénéficient de cette protection sont : « Les bois, végétaux et matériaux biosourcés utilisés en façade ou en toiture ».
Et pour finir, un projet innovant à suivre de près : le projet « NG2B » vise à mettre en place un cadre normatif adapté aux granulats servant à produire des bétons biosourcés (à partir de particules végétales notamment le lin, la balle de riz ou encore le chanvre et le miscanthus).
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[1] Arrêté du 19 décembre 2012 relatif au contenu et aux conditions d’attribution du label bâtiment biosourcé
[2] Règlement (UE) 2018/1999 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat.
[3] Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
[4] A noter que la version actuellement retenue par le Sénat est en recul, et prévoit : « À compter du 1er janvier 2030, l’usage des matériaux biosourcés, géosourcés ou bas-carbone doit intervenir dans au moins 25 % des constructions dans lesquelles intervient la commande publique. Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. ».
[5] « La commande publique tient compte notamment de la performance environnementale des produits, en particulier de leur caractère biosourcé. »
[6] Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte
[7] Conseil constitutionnel décision n° 2013-317 QPC du 24 mai 2013.