Déchet ou bien réemployable ? Les juges proposent un critère et une grille d’analyse

Déchet ou bien réemployable ? Les juges proposent un critère et une grille d’analyse

CAA Bordeaux, 5e ch., 4 mars 2025, n° 23BX00011

La CAA de Bordeaux vient de préciser dans une décision du 4 mars 2025 l’appréciation d’un critère permettant de distinguer un déchet d’un bien réemployable.

Pour rappel, un déchet au sens de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement est un bien dont son détenteur se défait ou dont il a l’intention de se défaire.

Pour les juges, aux fins d’apprécier si un bien constitue ou non un déchet au sens de ces dispositions, il faut notamment prendre en compte le caractère suffisamment certain d’une réutilisation du bien sans opération de transformation préalable.

💡Ce critère retenu et examiné par les juges pour les véhicules, concorde d’ailleurs avec un des critères retenus par le nouveau Règlement sur les transferts transfrontaliers de déchets pour distinguer un déchet d’un bien usagé.

Comment apprécier le caractère suffisamment certain d’une réutilisation du bien sans opération de transformation préalable ?

Les juges proposent la grille d’analyse suivante ⬇️

Lorsque des biens se trouvent en état d’abandon sur un terrain, compte tenu en particulier de :

☑️ leur état matériel,

☑️ leur perte d’usage,

☑️ la durée et les conditions de leur dépôt,

ils peuvent alors être regardés comme des biens dont leur détenteur s’est effectivement défait et présenter dès lors le caractère de déchets au regard de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement.

Et dans ce cas, les circonstances révèlent que la réutilisation de ces biens sans transformation n’est pas suffisamment certaine, peu importe :

➡️ qu’ils y aient été déposés par le propriétaire du terrain ;

➡️ les seules affirmations du propriétaire indiquant qu’il n’avait pas l’intention de se défaire de ces biens.

Et en pratique, dans cette affaire ?

Cette grille d’analyse est ensuite appliquée aux biens concernés dans cette affaire, qui concernait des véhicules entreposés sur un terrain.

Et l’analyse est intéressante car elle fait émerger un autre critère proche de celui d’une décision de la CJUE (CJUE, 4 juillet 2019, Tronex BV, Affaire C-624/17) : si un bien ne peut pas être utilisé conformément à sa destination initiale (par exemple parce qu’il nécessite des réparations), celui-ci constitue une charge pour son détenteur, et doit alors être considéré comme un déchet, dans la mesure où il n’y a pas de certitude que le détenteur procèdera effectivement aux opérations permettant son réemploi.

➡️ Les juges retiennent la qualification de déchets : au regard de l’ampleur des dommages subis par les véhicules stockés, ils ne peuvent manifestement plus être utilisés comme moyen de locomotion ou de transport, conformément à leur usage initial.

Il s’agit donc bien de déchet, et plus précisément de « véhicule hors d’usage » (« Voitures particulières, camionnettes, véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur qui constitue un déchet » art. R. 543-154 du code de l’environnement).

➡️ Les juges écartent en outre l’argument selon lequel les véhicules seraient (abstraitement) réparables :

 « La circonstance que certains véhicules soient qualifiés par des expertises de techniquement réparables ne fait pas obstacle à la leur qualification de véhicule hors d’usage dès lors qu’il est constant que ces véhicules ne sont plus aptes à remplir l’usage pour lequel ils étaient initialement destinés, sans avoir à subir d’importants travaux de remise en état et alors qu’il résulte de l’instruction que de nombreux véhicules étaient économiquement irréparables. »

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