Comment rédiger les contrats dans vos projets d’Economie de la Fonctionnalité et de la Coopération (EFC) ?
Vous pilotez ou êtes investi dans un dans projet d’EFC et vous devez rédiger un ou plusieurs contrats. Problème : aucun modèle ne semble adapté à la réalité de votre projet, à sa dynamique ou à ses objectifs.
Ce n’est toutefois pas une fatalité ! Le droit des contrats dispose de plusieurs outils vous permettant de rédiger des contrats EFC. Voici un petit tour d’horizon des solutions (parmi d’autres), qui s’offrent à vous[1].
- 💡Pour plus de détails : consultez la note rédigée par SKOV et publiée par l’ADEME, disponible : ici.💡
QU’EST-CE QUE L’EFC ET POURQUOI EST-IL DIFFICILE DE CONTRACTUALISER DANS CE CADRE ?
L’Economie de la Fonctionnalité et de la Coopération est un nouveau modèle économique qui s’est développé afin de répondre aux enjeux sociétaux et de la transition écologique[2]. Elle est principalement centrée sur :
- La logique servicielle, qui prend la forme d’une vente de solutions intégrées de biens de services sur la base d’engagements réciproques visant :
- une performance d’usage, plutôt que d’une vente des biens eux-mêmes,
- la création d’effets utiles directs et indirects cohérents avec les enjeux actuels (développement durable, inégalités sociales et territoriales…).
- La coopération entre les acteurs.
La traduction juridique d’une telle démarche, et en particulier dans les contrats, peut sembler être un exercice compliqué tant la pratique contractuelle classique s’est développée autour de différentes idées a priori incompatibles :
Pratique classique | VS | Pratique EFC |
La défense et la négociation des intérêts de chaque partie | La coopération et la co-construction d’un objectif commun | |
Le contrat comme outil de prévisibilité et de sécurité | Les besoins d’agilité et de flexibilité pourtant indispensable à la démarche EFC | |
Un corpus de règles adapté à des transactions classiques, le plus souvent dans une logique marchande (la vente, le prêt, la location…) | La logique servicielle et les effets utiles |
QUELLES SOLUTIONS ?
Conditions préliminaires Attention : comme tout contrat, votre contrat EFC doit respecter : les dispositions d’ordre public[3] (comme la durée légale du temps de travail ou le droit de la consommation),les prescriptions ou interdictions légales (comme les règles encadrant le prêt entre entreprises, la gestion des déchets ou la mise à disposition de machines de travail),les règles impératives au droit des contrats (le contenu certain du contrat[4] et l’équilibre contractuel[5]). |
Avant le contrat : mettez les choses à plat
Les parties à un contrat sont classiquement tenues à une obligation précontractuelle d’information. Pour qu’un projet EFC fonctionne et dure, cette obligation est fondamentale. Nos conseils :
Précisez les intentions des futures parties : | Anticipez les difficultés pour chacun et faites preuve de transparence et de loyauté : |
Déterminez le besoin des parties avec précision et la raison pour laquelle elles décident d’entrer en relation entre elles,Déterminez l’objectif commun,Inscrivez ces informations dans le préambule.Eventuellement, co-construisez les objectifs et co-définissez les moyens vous permettant de remplir vos obligations. | Sur le modèle économique de chaque partie,Sur les moyens qui peuvent être mis en place par chaque partie,Sur les limites de chaque partie dans l’exécution des prestations envisagées, |
Vous pouvez encadrez les négociations contractuelles par des avant-contrats ou des contrats préparatoires !
Ne négligez pas la rédaction du préambule
Sachez que le juge n’est pas habitué aux contrats EFC et pourrait requalifier votre contrat[6] s’il n’a pas bien compris le contexte, les enjeux et vos intentions.
Intégrez dans le préambule une définition de l’EFC, consacrez l’objectif d’EFC du contrat, et précisez les raisons pour lesquelles cet objectif est partagé entre les parties et déterminant de leur consentement.
Actez la coopération
La raison d’être de l’EFC est la coopération entre les acteurs à l’opération, et elle doit s’organiser. Le contrat devra prévoir une clause de coopération détaillée et opérationnelle pour être efficace :
- actez l’intention de coopérer et faites-en un objectif en soi,
- et organisez les modalités selon lesquelles vous allez coopérer (procédures, réunions, reporting, suivi, calendrier).
Une bonne procédure de coopération permettra de faire avancer le contrat et de l’adapter au besoin, mais également de s’assurer que toutes les parties continuent de s’investir et d’y trouver leur compte.
Consacrez la logique servicielle
- Définissez le besoin en termes d’usage (exemples « La mobilité » – raison pour laquelle on achète un vélo ou encore « le confort thermique » – raison pour laquelle on achète un radiateur et retranscrivez le dans le contrat.
- Identifiez tous les bénéfices que chaque partie tirera de l’opération (matériels, immatériels, patrimoniaux, extrapatrimoniaux, etc.).
- Identifiez les risques et les limites des prestations de chaque partie (par exemple, le temps d’autonomie d’un vélo électrique ou la fréquence des interventions de maintenance).
- Consacrez une prestation « solutions » plutôt qu’une prestation « produit » ou une prestation « mono-service ».
- Identifiez l’opération alternative « orientée EFC » : par exemple, plutôt qu’une vente, prévoir une location avec ou sans option d’achat ou une vente avec option de rachat.
- Identifiez un mode de paiement alternatif au paiement en argent : échanges de services, paiement en nature, etc.
Flexibilisez l’engagement
- Ayez recours à des contrats cadres
Les contrats d’application pourront être conclus au gré des besoins des parties et de l’avancement et pourront ne concerner que certaines d’entre elles. Ces contrats permettront de décider des modalités particulières à la réalisation d’une prestation.
- Co-définissez les performances
Il est parfois difficile d’évaluer la bonne exécution d’une prestation EFC (« fédérer un groupe » par rapport à « livrer de 40 kg de farine » par exemple). Il est conseillé dans ces cas-là d’élaborer, en commun, les méthodes d’évaluation de cette bonne exécution et de les faire figurer au contrat. Vous pouvez être innovant, tant que cela a du sens pour toutes les parties, et que c’est efficace !
- Ayez recours à des obligations alternatives[7]
Vous pouvez intégrer la possibilité selon laquelle une partie a le choix entre plusieurs prestations (par exemple contre réception d’un bien, elle peut soit payer 100 euros, soit fournir un autre bien de même valeur, soit encore fournir une prestation de service).
Attention cependant :
- Les alternatives doivent être précisées dans le contrat.
- Cela peut entraîner une requalification du contrat (avec des conséquences fiscales potentielles).
- Chaque alternative doit être une contrepartie au moins suffisante à la prestation de votre co-contractant.
Evitez l’escalade : les solutions à intégrer en cas de difficulté d’exécution du contrat
- Aménager un espace de discussion et éventuellement de révision du contrat pour purger les difficultés
En lien avec la clause de coopération, prévoyez dans une clause, la possibilité de convoquer une « assemblée » ou de réexaminer le contrat, soit à échéance prévue, soit en cas de difficulté rencontrée par une ou plusieurs parties. Cette discussion permettra de faire le point sur l’avancée du contrat et d’éventuellement réorienter celui-ci (dans le cadre d’un avenant par exemple).
- Encadrez les conséquences d’une inexécution contractuelle
Sachez que vous pouvez d’ores et déjà prévoir les sanctions lorsqu’une partie n’exécute pas ses obligations :
- par l’ajout d’une clause pénale (qui fixe pour de bon le montant des dommages et intérêts, et qui s’impose au juge)[8],
- ou encore par une clause limitative de réparation (qui fixe un plafond de dommages et intérêts en cas de recours au juge)[9].
Ce genre de clause est très utile pour maîtriser les conséquences d’un litige entre les parties : en se réservant le soin de prévoir les sanctions potentielles, les parties peuvent éviter les rapports de force jugés trop « brutaux ».
- Résolvez votre litige à l’amiable
Malgré tous vos efforts, les difficultés demeurent … Avant d’envisager le recours à un avocat ou au juge, il est bon de permettre aux parties de se réunir, s’expliquer et de trouver des solutions. Pensez ainsi à intégrer une clause une procédure de tentative de résolution amiable de votre litige précisant les modalités selon lesquelles vous entendez discuter :
- Prévoyez qui orchestrera les discussions (par exemple, une partie au contrat « neutre au litige », ou bien un tiers, comme un conciliateur ou un médiateur professionnel, ou encore un accompagnateur EFC…),
- Précisez les temps et les espaces des discussions et les délais que vous vous laissez pour aboutir à une solution.
Enfin, si possible consacrez la solution dans un accord : « les paroles s’envolent, les écrits restent » !
Vous avez besoin d’aide pour rédiger votre contrat EFC ? Vous pouvez faire appel à nous : contact@skovavocats.fr !
[1] Cet article ne concerne que les contrats de droit privé, à l’exclusion des contrats publics, soumis à des règles spécifiques.
[2] Pour en savoir plus, voir : https://librairie.ademe.fr/7452-panorama-sur-l-economie-de-la-fonctionnalite-et-de-la-cooperation.html
[3] Article 1162 du Code civil.
[4] Article 1128, 3° du Code civil.
[5] Article 1169 du Code civil.
[6] Article 12 du Code de procédure civile.
[7] Article 1307 du Code civil.
[8] Article 1226 du Code civil.
[9] Sur les dommages prévus : article 1231-3 du Code civil.