PLU-PLU(i) – Comment faciliter l’implantation temporaire des activités liées à l’économie circulaire sur le territoire (plateformes interchantiers et matériauthèques) ?
L’émergence de filière d’économie circulaire dans le BTP implique la création de plateformes pour le déploiement des activités nécessaires :
💡Exemples :
- Plateforme de stockage et de reconditionnement des matériaux de réemploi ;
- Plateforme de concassage et formulation de granulats de béton au sein d’une ZAC ;
- Plateforme interchantier de transit de déchets 7 flux triés au sein d’une ZAC en vue de leur massification puis collecte mutualisée ;
- Plateforme de récupération de bois de chantier et fabrication de mobilier urbain...
Il s’agit la plupart du temps d’activités temporaires (de 1 à 6 ans en moyenne), qui impliquent une mobilisation ponctuelle de foncier, potentiellement pour des activités industrielles génératrices de risques et de nuisances (entrepôt, traitement de déchets, etc.).
Ces activités s’inscrivent généralement dans le cadre de l’urbanisme transitoire, et s’implantent sur des fonciers temporairement disponibles dans l’attente d’une réhabilitation par exemple.
Or le règlement des plans locaux d’urbanisme (communaux ou intercommunaux) (ci-après PLU(i)) est souvent un frein dans le cadre de la recherche de foncier, puisque les destinations autorisées pour les différents sites sont généralement définies au regard de leur usage pérenne-futur et non de leur utilisation transitoire.
Dans la plupart des cas, la délivrance d’un permis précaire reste la solution privilégiée lorsque les délais sont compatibles avec le projet (pour mémoire, la durée d’instruction est identique à celle d’un permis de construire classique)[1].
Toutefois, la plupart des collectivités souhaiteraient profiter de la révision de leur (PLU(i)) pour intégrer de la flexibilité et faciliter le déploiement de l’urbanisme transitoire et d’activités de réemploi et de recyclage afin de répondre aux besoins du territoire en matière de ressources et de matières premières secondaires.
Quelles sont les possibilités offertes aux auteurs de PLU(i) pour simplifier l’implantation des plateformes d’économie circulaire ?
Différents documents du PLUi pourraient permettre de lever ce frein. Nous vous proposons d’évoquer les différentes pistes envisageables à ce jour :
- La création d’un sous-zonage dans le règlement (peut-on envisager de créer des sous-destinations ESS / Economie circulaire dans les PLU(i) par exemple ?) ;
- L’ajout d’une nouvelle Annexe ;
- L’utilisation des OAP.
a) Création d’un nouveau sous-zonage dans le règlement
Le recours à un sous-zonage / sous-secteurs U ou AU ayant pour objet des règles évolutives, flexibles et adaptées à l’urbanisme transitoire en termes de destination des constructions, d’usages des sols et de natures d’activités pourrait théoriquement être envisagé (du type Uex pour zone à urbaniser « expérimentale » [2]).
Néanmoins :
- Le sous-zonage s’apparente aujourd’hui plus à une pratique permettant de fixer des règles plus strictes au sein d’un secteur, qu’une possibilité ouverte et encadrée par le code de l’urbanisme[3] ;
- Le sous-zonage implique en toute hypothèse une pré-identification du foncier envisageable (ce qui ne pose pas de difficulté pour les zones incluses dans le périmètre des ZAC par exemple, mais est plus difficile pour d’autres fonciers) ;
- Enfin, si le code de l’urbanisme prévoit déjà la possibilité de « mixité des destinations ou sous-destinations », il ne s’agit pas d’une mixité dans le temps, mais bien d’une mixité simultanée pour une même emprise foncière[4].
Ce nouveau zonage innovant et évolutif induirait donc a priori un certain risque juridique (annulation partielle du PLUi sur ce volet et contestation des permis délivrés dans ce cadre).
b) Ajout d’une nouvelle Annexe
Les Annexes réglementaires du PLU(i) sont restrictivement listées par le code de l’urbanisme. Il s’agit :
- Des servitudes d’utilité publique affectant l’utilisation du sol et figurant sur une liste dressée par décret en Conseil d’Etat (art. L151-43 du code de l’urbanisme) ;
- Des éléments énumérés aux article R151-52 et R151-53 (art. R151-51 du code de l’urbanisme).
Le seul élément susceptible de viser les plateformes d’économie circulaire est selon nous mentionné par l’article R151-53 du code de l’urbanisme qui précise :
« Figurent également en annexe au plan local d’urbanisme, s’il y a lieu, les éléments suivants : (…)
8° Les zones délimitées en application de l’article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales et les schémas des réseaux d’eau et d’assainissement et des systèmes d’élimination des déchets, existants ou en cours de réalisation, en précisant les emplacements retenus pour le captage, le traitement et le stockage des eaux destinées à la consommation, les stations d’épuration des eaux usées et le stockage et le traitement des déchets ; »
A ce jour, c’est généralement le Règlement de collecte des déchets ménagers et assimilés qui est Annexé. Mais cette disposition est assez large pour inclure par exemple le « plan de gestion des déchets de chantier » réalisé par le Département.
Selon nous cette Annexe ne permet pas, pour autant, de lever le frein lié à l’implantation des plateformes d’économie circulaire dans le cadre de l’urbanisme transitoire :
- Elle vise à identifier les emplacements retenus des installations de traitement des déchets existantes ou en cours de réalisation. Elle implique donc (1) de déterminer les fonciers en question, et (2) ne viserait en outre que les plateformes de traitement de déchets, et pas celles ayant des activités de stockage ou de reconditionnement des matériaux de réemploi ;
- Le fait que l’identification des installations de traitement des déchets de chantier relève du Plan départemental de gestion des déchets interroge sur la compétence de la collectivité auteur du PLU(i) pour élaborer elle-même un schéma recensant les fonciers dédiés à ces installations qui divergerait de celui élaboré par le département ;
- Elle ne ferait qu’éclairer les dispositions incluses dans le règlement.
Les Annexes ne sont ainsi selon nous pas le bon outil pour résoudre la problématique de l’urbanisme transitoire.
c) Utilisation des OAP
L’objet et le contenu des OAP sont fixés par le code de l’urbanisme.
Les OAP Sectorielles peuvent selon nous présenter un intérêt dès lors qu’elles permettent de créer des secteurs sans règlement dans lesquels seules les OAP fixent des règles dans un rapport de compatibilité, ce qui permet d’introduire une certaine souplesse dans la définition de l’usage des sols (art. R151-7 du code de l’urbanisme).
En outre, l’article L151-6-1 du code de l’urbanisme précise que « Les OAP définissent, en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables, un échéancier prévisionnel d’ouverture à l’urbanisation des zones à urbaniser et de réalisation des équipements correspondant à chacune d’elles, le cas échéant. ». Cette disposition pourrait permettre d‘inscrire dans l’échéancier la possibilité d’activité transitoire de plateforme d’économie circulaire.
En revanche, selon nous l’OAP Thématique[5] n’est pas adaptée pour régler la question de l’urbanisme transitoire.
En conclusion, en l’état du droit, la seule option sécurisée mobilisable par les auteurs de PLU(i) est la possibilité d’utiliser des OAP sectorielles non régies par un règlement de zone pour organiser des règles adaptées pour l’urbanisme transitoire et l’implantation temporaire des plateformes d’économie circulaire.
Nous sommes d’avis qu’un plaidoyer doit être porté par les associations de collectivités sur le sujet, en lien avec les acteurs de l’ESS qui ont vocation à exploiter ces plateformes afin d’adapter le code de l’urbanisme à ces nouvelles pratiques. Les solutions suivantes pourraient être déployées :
Solution 1 – Adapter les délais d’instruction des permis précaires à la temporalité des projets,
Solution 2 – Créer une déclaration préalable ou une autorisation d’urbanisme transitoire simplifiée (à articuler avec les autorisations ICPE si l’activité économie circulaire y est soumise),
Solution 3 – Créer une sous-destination spécifique dans le code de l’urbanisme (plus adaptée pour les implantations pérennes).
Elisabeth GELOT et Rémi DUVERNEUIL
[1] Articles L433-1 à L433-7 du code de l’urbanisme.
On signalera l’annulation par le juge d’un permis précaire au titre de la création d’une plateforme – déchèterie impliquant des travaux importants et répondant à un besoin jugé pérenne (alors même que le permis n’était délivré que pour une durée de 12 ans au regard notamment des objectifs de valorisation des déchets poursuivis par l’exploitant) CAA Versailles, 13 novembre 2014,n° 12VE03098.
Le recours au permis précaire doit respecter certaines conditions pour motiver la dérogation aux règles du PLUi, et n’est pas exempt de risques.
[2] Note rapide Territoires, n° 952, L’institut Paris Région.
[3] Voir en ce sens conclusions du Rapporteur Public M. Villette, Conseil d’Etat affaire N° 439453, 14 juin 2021.
[4] « Afin d’assurer la mise en œuvre des objectifs de mixité sociale et fonctionnelle, le règlement peut :
1° Définir des règles permettant d’imposer une mixité des destinations ou sous-destinations au sein d’une construction ou d’une unité foncière » (article R151-37 du code de l’urbanisme).
[5] En application des dispositions de l’article L.151-6 du code de l’urbanisme, les OAP peuvent porter sur l’aménagement, l’habitat, les transports, les déplacements et, en zone de montagne, sur les unités touristiques nouvelles.