Entrée en vigueur de la directive CSRD et impact sur l’économie circulaire dans la construction

Issue du Pacte Vert pour l’Europe, la directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) [1], est applicable en France depuis le 1er janvier 2024[2].

Ce nouveau dispositif qui doit permettre d’améliorer l’accès aux informations relatives à l’impact environnemental des entreprises devrait jouer un rôle de levier pour accélérer le déploiement de l’économie circulaire, notamment dans le secteur de l’immobilier et de la construction.

On fait le point sur cet article :

  1. La Directive CSRD, qu’est-ce que c’est ?
  2. Quelles entreprises sont concernées ?
  3. Quel est l’impact de cette directive pour l’économie circulaire dans la construction ?
  4. Dans quels cas les entreprises vont-elles devoir fournir des informations liées à leur transition vers l’économie circulaire ?
  5. Quelles données liées à l’économie circulaire vont devoir donner lieu à reporting ? Zoom sur la norme thématique ESRS E5
  6. Pourquoi la directive CSRD va-t-il impacter le secteur de l’immobilier et de la construction au-delà des entreprises soumises à l’obligation d’établir un rapport de durabilité ?

1 – De quoi s’agit-il ?

Cette directive a pour objet de :

  • Soumettre plus d’entreprises à l’obligation de diffuser des informations sur l’impact environnemental et social de leurs activités (la directive sur la publication d’informations non financières de 2014 (dite « NFRD » Non Financial Reporting Directive) prévoyait déjà l’obligation d’établir un rapport extra-financier dans leurs rapports annuels de gestion) ;
  • Introduire des obligations de déclaration ESG (Environnementaux, Sociaux et Gouvernance) nouvelles et renforcées ;
  • Préciser les modalités de transmission de ces informations et définir des normes d’information en matière de durabilité ou « ESRS » (European Sustainability Reporting Standards), afin d’harmoniser le reporting extra-financier des entreprises européennes.

Elle doit ainsi permettre aux utilisateurs de la déclaration relative à la durabilité (ou « rapport de durabilité ») de comprendre les incidences importantes de l’entreprise concernée sur la population et l’environnement ainsi que sur l’évolution, les résultats et la position de l’entreprise[3].

2 – Quelles sont les entreprises concernées ?

Cette nouvelle obligation de reporting s’applique à compter de 2024 aux entreprises qui étaient déjà soumises à l’obligation de déclaration des performances extra-financières (DPEF) au titre de la directive NFRD (Non Financial Reporting Directive), mais également à compter du 1er janvier 2025 aux autres grandes entreprises et ce progressivement :

Source (tableau) : https://entreprendre.service-public.fr/actualites/A16970

3 – Et quel est l’impact de cette directive pour l’économie circulaire dans la construction ?


En deux mots : le rapport de durabilité comprendra des données permettant d’apprécier la transition vers l’économie circulaire de l’entreprise.


Ainsi les entreprises doivent publier au titre de la CSRD des informations relatives aux six facteurs environnementaux suivants[4] :

  1. l’atténuation du changement climatique, y compris en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre (…) ;
  2. l’adaptation au changement climatique ;
  3. les ressources aquatiques et marines ;
  4. l’utilisation des ressources et l’économie circulaire ;
  5. la pollution ;
  6. la biodiversité et les écosystèmes.

Par acte délégué adopté le 31 juillet 2023 et applicable depuis le 1er janvier 2024, la Commission européenne a adopté une première série de normes ESRS fixant plus précisément les informations que les entreprises doivent publier s’agissant de ces différents items.

Des informations relatives à l’utilisation des ressources et à l’économie circulaire figurent dans plusieurs normes. On en retrouve déjà dans les normes universelles déjà publiées :

✅Dans les deux normes ESRS dites « transversales » (ESRS 1 et ESRS 2) ;

✅ Et dans les normes « thématiques » environnementales telles que Changement Climatique (ESRS E1), Pollution (ESRS E2) mais surtout dans la norme thématique « Utilisation des ressources et Economie circulaire » (ESRS E5).


💡Nouveauté : l’EFRAG élabore actuellement une dizaine de normes sectorielles et des normes PME, qui devraient être publiées d’ici juin 2026[5].

A ce titre, une consultation est prévue au printemps 2024 pour les normes suivantes [6] :

👉 « construction & engineering »,

👉 « real estate »

👉 « building materials »,

👉 « construction & furnishing »

Elles permettront de décliner les standards fixés par les normes universelles et thématiques à ces secteurs d’activités. Nous vous tiendrons naturellement informés du lancement de la consultation très prochainement.  


4 – Dans quels cas les entreprises vont-elles devoir fournir des informations liées à leur transition vers l’économie circulaire ?

Toutes les entreprises ne devront pas produire un reporting sur l’utilisation des ressources et l’économie circulaire.

En effet, l’entreprise n’aura vocation à rapporter ces éléments que si l’examen de la double importance (ou double matérialité) conclut à la pertinence de la communication de ces informations au regard des activités de l’entreprise, c’est-à-dire :

  • Au regard de l’impact de cet enjeu sur les performances économiques de l’entreprise ;
  • Et de l’impact de l’activité de l’entreprise sur les ressources et l’économie circulaire[7].

Une entreprise peut ainsi décider de publier ou bien d’écarter des informations qu’elle considérerait comme « non-significatives » (même si celles-ci sont mentionnées dans les normes de durabilité[8]) au regard de cette analyse.

L’objectif est d’éviter d’imposer une charge administrative inutile ou disproportionnée à toutes les entreprises, dans le cas où ces informations n’auraient pas de pertinence par rapport à leur activité.

💡Dans le secteur de l’immobilier et de la construction, les maîtres d’ouvrage professionnels (promoteurs), les fabricants de matériaux et les entreprises de travaux auront probablement à communiquer un grand nombre d’informations relatives à l’utilisation des ressources et à l’économie circulaire au vu de la dépendance de leur activité aux premières et de leur impact sur la seconde. 

En revanche les acteurs de l’immobilier et de la construction dont l’activité relève du secteur tertiaire (bureau d’études, maîtrise d’œuvre), ou dont l’activité principale n’est pas la construction (exemple : bailleur social) pourront s’exonérer de tout reporting sur ce sujet puisque l’impact financier et environnemental de l’économie circulaire sera indirect ou mineur.

5 – Quelles données liées à l’économie circulaire vont devoir donner lieu à reporting ? Zoom sur la norme thématique ESRS E5 

A titre liminaire on rappellera que :

  • La norme ESRS E5 « Utilisation des ressources et Economie circulaire » ne sera pas obligatoire pour toutes les entreprises (cf. § 4) ;
  • Le contenu de cette norme sera adapté plus précisément à chaque secteur d’activité (et notamment pour l’immobilier et la construction) d’ici 2026 (cf. § 3).

Toutefois, pour les entreprises déjà soumises à l’obligation d’établir un rapport de durabilité pour l’exercice 2024, et pour lesquelles la gestion des ressources et l’économie circulaire sont importantes, la norme ESRS E5 prévoit d’ores et déjà les données à reporter.

🔎 Objectif de cette norme => permettre aux utilisateurs du rapport de durabilité d’appréhender :

« (a) les incidences positives et négatives importantes, réelles ou potentielles, de l’entreprise sur l’utilisation des ressources, y compris l’utilisation efficace des ressources, le non-épuisement des ressources ainsi que l’approvisionnement et l’utilisation durables de ressources renouvelables ;

(b) les éventuelles actions menées par l’entreprise, et leur résultat, pour éviter ou atténuer les incidences négatives, réelles ou potentielles, résultant de l’utilisation des ressources, notamment les mesures prises pour dissocier sa croissance économique de l’utilisation des matières, et pour traiter les risques et opportunités ;

(c) les plans et la capacité de l’entreprise pour ce qui est d’adapter sa stratégie et son modèle économique conformément aux principes de l’économie circulaire, y compris, mais sans s’y limiter, la réduction au minimum des déchets, la conservation au maximum de la valeur des produits, des matières et autres ressources et l’amélioration de leur utilisation efficace dans la production et la consommation ;

(d) la nature, le type et l’étendue des risques et opportunités importants de l’entreprise liés aux incidences et aux dépendances de celle-ci résultant de l’utilisation des ressources et de l’économie circulaire, et la manière dont l’entreprise les gère ; ainsi que

(e) les incidences financières à court, moyen et long terme sur l’entreprise des risques et opportunités importants résultant des incidences et des dépendances de l’entreprise en ce qui concerne l’utilisation des ressources et l’économie circulaire[9]. »

🖥️ Informations à publier :

« (a) les entrées de ressources, notamment la circularité des ressources entrantes importantes, en tenant compte des ressources renouvelables et non renouvelables ;

(b) les sorties de ressources, notamment des informations sur les produits et les matières ; et

(c) les déchets. »

Le type de données à communiquer au titre de chacun de ces items est très précisément détaillé par la norme ESRS 5.

Exemple pour les informations relatives aux ressources entrantes :

Pour retrouver toutes les données, nous vous renvoyons à la norme ESRS E5 (Annexe I de l’acte délégué, p. 164 et suivantes). 

6 – Pourquoi la directive CSRD va-t-il impacter le secteur de l’immobilier et de la construction au-delà des entreprises soumises à l’obligation d’établir un rapport de durabilité ?

Il est important de comprendre que la directive CSRD n’a pas qu’un effet sur les acteurs soumis à l’obligation d’établir un rapport de durabilité. 

Par ricochet, elle a un impact sur toute la chaîne d’approvisionnement, puisqu’elle implique que les différents co-contractants (fournisseurs, sous-traitants, etc.) des entreprises soumises à l’obligation de reporting transmettent certaines données. La transparence va également conduire à une évolution des exigences environnementales afin d’améliorer les performances de l’entreprise, exigences qui seront imposées ou négociées avec ses cocontractants.

La directive CSRD a également un impact sur les clients des entreprises qui doivent publier un rapport de durabilité. En effet, tous auront accès aux informations contenues dans le reporting, et pourront en tenir compte dans le choix de leur cocontractant. Les acheteurs publics pourront quant à eux rejeter les offres des entreprises soumises à cette obligation et qui ne l’auront pas respectée pour l’année qui précède l’année de publication de l’avis d’appel à la concurrence ou d’engagement de la consultation[5].


[1] DIRECTIVE (UE) 2022/2464 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 14 décembre 2022 modifiant le règlement (UE) no 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises

[2] Ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 relative à la publication et à la certification d’informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement d’entreprise des sociétés commerciales

[3] En pratique, qui pourra consulter ce rapport de durabilité et où ? La directive CSRD exige que les entreprises intègrent le rapport de durabilité dans leur rapport de gestion dans une section dédiée. Les informations sur le développement durable doivent être « clairement identifiables dans le rapport de gestion, dans une section spécifique » (article 19a, al. 1 de la directive 2013/34/UE révisée et article 19 bis directive 2022/2464). Pour rappel, le rapport de gestion, est annuel et est un élément consultable par le public (mais payant) sur le site web societe.com et infogreffe.fr.

[4] Directive CSRD, chap. 6 bis.

[5] https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/mex_24_707

[6] https://www.medef.com/uploads/media/default/0020/01/15027-medef-fiche-decryptage-csrd.pdf

[7] Pour une approche pédagogique de l’analyse de la double matérialité, nous vous renvoyons vers cet article : https://www.kabaun.com/post/double-materialite-csrd et voir Un guide méthodologique de l’EFRAG présentant des orientations pour se préparer à l’analyse de double matérialité.

[8] https://www.banque-france.fr/system/files/2023-12/rapport_60_f.pdf

[9] Pour ce dernier critère des incidences financières : NB : La première année : toutes les entreprises peuvent omettre de reporter sur cet item. Les 3 premières années : toutes les entreprises peuvent s’y conformer en ne communiquant que des informations qualitatives et en omettant les infos quantitatives