Impartialité du diagnostiqueur PEMD – Une exigence à contrôler par le MOA et pas toujours évidente en pratique

Le Code de la construction et de l’habitation (CCH) prévoit que :

« Le diagnostic [PEMD] est établi par des personnes physiques ou morales présentant des garanties de compétence. Ces personnes ou organismes doivent être assurés et n’avoir aucun lien de nature capitalistique, commerciale ou juridique sur la même opération avec une entreprise pouvant effectuer tout ou partie des travaux de démolition ou de rénovation qui soit de nature à porter atteinte à leur impartialité et à leur indépendance. » [1]

Si la notice du formulaire Cerfa PEMD prévoit que le maître d’ouvrage (MOA) doit pouvoir justifier (notamment en joignant au Cerfa les documents justificatifs) :

  • De la compétence du diagnostiqueur ;
  • De la souscription par ce dernier à une assurance adéquate ;

Elle reste silencieuse s’agissant de la dernière condition relative à l’impartialité du diagnostiqueur.

Nous répondrons ci-après aux questions pratiques que cette condition pose aux MOA :

 1 – Comment comprendre cette condition d’impartialité ?

2 – Pourquoi est-il compliqué d’apprécier l’impartialité du diagnostiqueur ?

3 – Quels risques juridiques pour le MOA si la condition d’impartialité n’est pas remplie ?

4 – Nos conseils pour le MOA

1 – Comment comprendre cette condition d’impartialité ?

Il est nécessaire de revenir sur l’esprit et la genèse de cette disposition, avant d’aborder sa portée et ses effets pour les MOA et les diagnostiqueurs.

La motivation initiale était d’éviter que les entreprises de démolition, qui sont intéressées économiquement aux conclusions du diagnostic (champ des travaux et matières à récupérer) et donc très probablement partiaux, ne puissent pas réaliser ces diagnostics.

On notera que l’hypothèse d’une même structure réalisant une mission globale « Diagnostic PEMD -> dépose sélective -> revente », courante et souvent pertinente en pratique, n’a pas été envisagée par le législateur.

La rédaction est inspirée directement d’autres dispositions[2] :

  • Impartialité des diagnostiqueurs (diagnostics techniques – plomb, électricité, termites, amiante, performance énergétique, etc.) : le diagnostiqueur ne doit avoir aucun lien de nature à porter atteinte à son impartialité et à son indépendance ni avec le propriétaire ou son mandataire qui fait appel à lui, ni avec une entreprise pouvant réaliser des travaux sur les ouvrages, installations ou équipements pour lesquels il lui est demandé d’établir le diagnostic [3];
  • Impartialité du contrôleur technique chargé de contrôler le fonctionnement des ascenseurs : ce contrôleur technique ne doit avoir aucun lien de nature à porter atteinte à son impartialité et à son indépendance, ni avec le propriétaire qui fait appel à lui ni avec l’entreprise chargée des travaux ou de l’entretien[4] ;
  • Impartialité des professionnels de l’immobilier : le professionnel de l’immobilier doit informer son mandant « de l’existence de liens directs de nature capitalistique ou de liens de nature juridique » qu’il a avec une entreprise, un établissement bancaire ou une société financière[5].

Une analyse rigoureuse impose de distinguer deux sous-conditions :

  • Avoir un lien de nature capitalistique, commerciale ou juridique sur la même opération avec une entreprise pouvant effectuer tout ou partie des travaux de démolition ou de rénovation (1.1) ;
  • Ce lien est de nature à porter atteinte à l’impartialité et à l’indépendance du diagnostiqueur (1.2).

1.1 Un lien de nature capitalistique, commerciale ou juridique sur la même opération avec une entreprise pouvant effectuer tout ou partie des travaux de démolition ou de rénovation

Il y a un lien de nature capitalistique lorsque la structure réalisant le diagnostic détient une partie du capital de l’entreprise réalisant des travaux de démolition ou de rénovation, ou inversement ;

Exemple : le diagnostiqueur est une filiale de l’entreprise de travaux.

Le lien de nature commerciale pourra quant à lui prendre les formes d’avantages ou de rétributions, de liens d’argent, ou encore de rétrocommissions entre l’entreprise et le diagnostiqueur ;

Exemple : l’entreprise rémunère le diagnostiqueur au titre d’un apport d’affaires ;

Enfin, il y aura un lien de nature juridique en cas de contrat de sous-traitance ou de co-traitance entre les deux entreprises ;

Exemple : l’entreprise de travaux a signé une convention avec l’organisme réalisant le diagnostic. 

Ce lien doit être établi :

  • « sur la même opération » : la condition ne s’applique donc pas si le diagnostiqueur et l’entreprise réalisant des travaux n’ont pas vocation à intervenir toutes les deux sur l’opération ;
  • avec une entreprise pouvant effectuer tout ou partie des travaux de démolition ou de rénovation ». En l’état il est probable que des travaux de dépose sélective des matériaux par exemple soit regardés comme une partie des travaux de démolition ou de rénovation.

1.2 Un lien de nature à porter atteinte à l’impartialité et à l’indépendance du diagnostiqueur

Il y a deux manières d’interpréter cette sous-condition tenant à l’impartialité du diagnostiqueur PEMD :

  • Rechercher une impartialité objective : elle se déduit de la structuration et des liens existants et visibles au moment de l’offre.

A partir du moment où il existe des liens capitalistiques, commerciaux et juridiques entre le diagnostiqueur et une entreprise menant des activités de travaux sur des opérations de démolition et rénovation (dépose sélective incluse), il existe un risque d’atteinte à l’impartialité et à l’indépendance du diagnostiqueur pour cette opération et cette sous-condition doit être regardée comme non remplie ;

Exemple : le diagnostiqueur est une filiale d’une entreprise de curage et démolition (peu importe que l’entreprise de curage et démolition souhaite ou non intervenir dans le cadre de l’opération faisant l’objet du diagnostic) ; 
  • Rechercher une impartialité subjective : elle se déduit d’un faisceau d’indices qui induisent un risque spécifique et caractérisé pour l’opération en question.
Exemple : le diagnostiqueur et l’entreprise formulent une offre en co-traitance ; l’offre du diagnostiqueur identifie déjà l’entreprise de travaux

A ce jour, nous n’avons pas d’indications ou de grille de lecture de cette condition d’impartialité.

2 – Pourquoi est-il compliqué d’apprécier l’impartialité du diagnostiqueur ?

A ce jour, le dispositif légal et réglementaire ne prévoit pas de « mode de preuve » du respect de cette condition (fourniture d’une attestation en amont de la prestation par exemple). 

La difficulté majeure est que contrairement aux autres professions pour lesquelles le conflit d’intérêts peut être apprécié facilement pour l’opération au moment de l’émission de l’offre, ici le conflit d’intérêts ne se révèlera qu’a posteriori la plupart du temps, et n’est pas établi au moment où le MOA choisit le diagnostiqueur.

En effet le diagnostic PEMD est réalisé en phase de programmation et les entreprises de travaux ne formulent des offres et ne sont retenues qu’à l’issue de la phase de conception.

Hors contrairement aux autres diagnostics immobiliers qui sont généralement réalisés par des organismes dont c’est l’activité exclusive, le diagnostic PEMD est souvent réalisé par des acteurs qui peuvent intervenir par la suite dans la démarche de réemploi, lors des travaux (pour réaliser la dépose, ou pour organiser les opérations de cession sur le chantier…). Le risque de liens avec l’entreprise de travaux est alors plus important.

Exemples :
Cas 1 – un acteur propose de réaliser le diagnostic, puis à l’issue de celui-ci propose de réaliser la dépose des matériaux identifiés comme réemployables ;
Cas 2 – un acteur réalise le diagnostic pour le MOA, puis à l’issue de celui-ci répond en groupement avec une entreprise de travaux pour le lot Réemploi sur le chantier ou au marché de conception-réalisation.

3 – Quels risques pour le MOA ?

L’article L. 183-4 du CCH prévoit une peine d’amende de 45 000 € pour « les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou toute autre personne responsable de l’exécution de travaux » qui méconnaîtraient les obligations imposées part l’article L. 126-34 et par les dispositions réglementaires prises pour leur application (ainsi qu’une peine de six mois d’emprisonnement en cas de récidive).

Rappelons qu’il n’y a pas de risque pénal réel pour le MOA s’il recourt à un diagnostiqueur qui s’avèrerait ne pas remplir la condition d’impartialité.

Les dispositions de l’article L. 126-34 du CCH sur l’impartialité ont pour objectif de protéger le MOA, et l’obligation d’impartialité pèse bien sur le diagnostiqueur, et non sur le MOA.

Le risque pénal en cas de méconnaissance de cette condition pèse donc essentiellement sur le diagnostiqueur, et le MOA pourrait porter plainte pour défaut d’impartialité, notamment s’il s’estime lésé par les liens avec l’entreprise de travaux.  

On notera d’ailleurs que la seule jurisprudence qui sanctionne le non-respect d’une condition d’impartialité et d’indépendance d’un diagnostiqueur immobilier est une décision civile et non pénale de 2011 (CA Angers, 17-05-2011, n° 08/1575), qui sanctionne une pratique structurée et récurrente de rémunération d’apports d’affaires, et non un incident isolé[6].

En revanche, on peut identifier un risque lié aux marchés publics attribués : les marchés publics passés pour les diagnostics mais aussi pour les travaux pourraient-ils être annulés au motif qu’ils sont attribués à des candidats qui méconnaitraient les dispositions de l’article L. 126-34 du CCH ?

S’agissant du marché de diagnostic, c’est certain. S’agissant a posteriori du marché de travaux, rien n’est moins sûr, car l’obligation d’impartialité n’est pas applicable à l’entreprise de travaux (mais bien au diagnostiqueur).

4 – Nos conseils pour le MOA

Nous sommes d’avis que la condition d’impartialité doit donc être vérifiée an amont de la signature du contrat avec le diagnostic.

A ce titre, nous vous conseillons d’exiger la production d’une Attestation d’impartialité (au stade de la candidature) rappelant notamment la sanction pénale pour le diagnostiqueur.

Sachez également que si vous confiez la réalisation du diagnostic PEMD à l’architecte du projet, le code de déontologie prévoit déjà une exigence d’indépendance permettant d’exclure les conflits d’intérêts[7].

Pour conclure, il pourrait être utile de solliciter le CSTB afin qu’il publie des recommandations à destination des diagnostiqueurs et des MOA, sur les moyens d’apprécier et de contrôler cette condition d’impartialité, ou de solliciter une réponse ministérielle sur ce point par le biais d’un parlementaire.


[1] Art. L. 126-34 CCH.

A noter que l’article R126-12 reprend mais surtout complète cette exigence : « Pour réaliser le diagnostic, le professionnel de la construction doit n’avoir aucun lien avec le maître d’ouvrage, ni avec aucune entreprise susceptible d’effectuer tout ou partie des travaux de l’opération de démolition, qui soit de nature à porter atteinte à son impartialité et à son indépendance ». Elle étend donc le risque de conflits d’intérêts à l’hypothèse de lien entre le prestataire et le MOA (ex : filiale d’un promoteur immobilier qui réaliserait les diagnostics PEMD sur les opérations dudit promoteur pour son compte). Elle interroge sur le maintien de la possibilité de réalisation de diagnostics PEMD en régie (lorsque le MOA dispose de la compétence interne), qui était pourtant souhaité par le gouvernement lui-même (Débat Sénat 1ère lecture – Compte rendu intégral de la séance du 25 septembre 2019, intervention de Brune Poirson).

[2] Débat Sénat 1ère lecture – Compte rendu intégral de la séance du 25 septembre 2019, sur proposition de Mme Céline Brulin, qui souhaitait que soit imposé, pour prouver cette indépendance, la production d’une attestation.

[3] Article L. 271-6 CCH.

[4] Article L. 134-4 CCH.

[5] Article 4-1 de la loi « Hoguet » du 2 janvier 1970 dans sa rédaction issue de la loi ALUR.

[6] Dans cette affaire, des diagnostiqueurs immobiliers récompensaient via un programme de fidélité les agents immobiliers qui les prescrivaient auprès des vendeurs.

[7] Pour une jurisprudence qui sanctionne le défaut d’impartialité au vu du lien capitalistique de l’architecte avec l’entreprise de travaux 3ème Civ, 16 janvier 2020, n° 18-25228.